inistre; mais c'etait a
condition toujours de n'en rien laisser passer[242]. Il revint d'Italie
avec ce pli romain tres-marque. Ses amis, au retour, s'apercurent d'un
changement en lui. Tout en restant bon et simple d'ailleurs, sa prudence
s'etait fort raffinee. Dans l'habitude de la vie, il ne se confiait a
personne,--"a personne, hormis a M. Moreau et a moi, nous dit Guy Patin;
et quand il avoit reconnu la moindre chose dans quelqu'un, il n'en
revenoit jamais: sentiment qu'il avoit pris des Italiens."
[Note 242: Dans une page du _Mascurat_ (190), on voit trop bien en
quel sens Naude est catholique et soumis a l'Eglise; c'est de la meme
maniere et dans le meme esprit que Montaigne se declarait contre les
huguenots lorsqu'ils interpretaient les Ecritures. La raison qu'allegue
Naude est un petit croc-en-jambe au fond. Mascurat repond a Saint-Ange,
qui vient d'exprimer la conviction naive qu'aucune doctrine pernicieuse
ne saurait se fonder sur la Sainte-Ecriture: "Si tu ajoutes _bien
entendue_, dit Mascurat, je suis de ton cote; mais, a faute de suivre
l'interpretation que la seule Eglise catholique donne a ces Livres
sacres, ils sont bien souvent causes de beaucoup de desordres, tant es
moeurs a cause du livre des Rois et autres pieces du Vieil Testament,
qu'en la doctrine, laquelle est bien embrouillee dans le Nouveau et
par les Epitres de saint Paul principalement: _Mare enim est Scriptura
divina, habens in se sensus profundos et altitudinem tudinem
propheticorum enigmatum_, comme disoit saint Ambroise..." Quand
j'entends un sceptique, citer si respectueusement un grand saint, je me
dis qu'il y a anguille sous roche.]
La mort trop prompte du cardinal de Bagni, en juillet 1641, laissa
Naude au depourvu et comme naufrage sur le rivage. Le cardinal
Antoine Barberin le prit alors a son service et le recueillit avec un
empressement affectueux. L'etoile de Naude le voua toute sa vie
aux Eminentissimes. Rappele l'annee suivante en France pour etre
bibliothecaire du Cardinal-ministre, il ne quitta Rome que comble des
bienfaits de son dernier patron. Pourtant il semble que cette perte
inopinee du cardinal de Bagni ait laisse des traces dans son humeur. Il
considera des lors sa fortune comme un peu manquee; il reconnut qu'apres
avoir tant use de lui, de sa science et de ses services, on ne lui avait
menage aucun sort pour l'avenir; il en devint dispose a se plaindre
quelquefois de la destinee plus qu'il n'avait coutume de fai
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