route, a Abbeville, le 29
juillet 1633, avant d'avoir pu revoir et embrasser ses amis. Il fut
amerement regrette de tous, particulierement de Guy Patin, qui ne parle
jamais de son bon et cher ami M. Naude qu'avec un attendrissement bien
rare en cette caustique nature, et qui les honore tous deux: "Je pleure
incessamment jour et nuit M. Naude. Oh! la grande perte que j'ai faite
en la personne d'un tel ami! Je pense que j'en mourrai, si Dieu ne
m'aide (25 novembre 1653)."--Les erudits composerent a l'envi des vers
latins sur la mort du confrere qui les avait si liberalement servis.
On peut trouver cependant qu'il ne lui a pas ete fait de funerailles
suffisantes: on'n'a pas recueilli ses oeuvres completes; il n'a pas ete
solennellement enseveli. Mort en 1653, du meme age que le siecle, il
n'en representait que la premiere moitie, au moment ou la seconde, si
glorieuse et si contraire, allait eclater. Les _Provinciales_ parurent
six annees seulement apres le _Mascurat_, et donnerent le signal: la
face du monde litteraire fut renouvelee. Naude rentra vite, pour n'en
plus sortir, dans l'ombre de ces bibliotheques qu'il avait tant aimees
et qui allaient etre son tombeau. On imprima de lui un volume de lettres
latines crible de fautes. On redigea le _Naudoeana_, ou extrait de ses
conversations, crible de bevues egalement. Il n'eut pas d'editeur pieux.
Son article manque au Dictionnaire de Bayle, ce plus direct heritier de
son esprit. Lui qui a tant songe a sauver les autres de l'oubli, il est
de ceux, et des plus regrettables, qui sont en train de sombrer dans
le grand naufrage. Ses livres ont, a mes yeux, deja la valeur de
manuscrits, en ce sens que, selon toute probabilite, ils ne seront
jamais reimprimes. Quelques curieux les recherchent; on les lit peu, on
les consulte ca et la. Tel est le lot de presque tous, de quelques-uns
meme des plus dignes. Qu'y faire? la vie presse, la marche commande, il
n'y a plus moyen de tout embrasser; et nous-meme ici, qui avons tache
d'exprimer du moins l'esprit de Naude, et de redemander, d'arracher sa
physionomie vraie a ses oeuvres eparses, ce n'est, pour ainsi dire,
qu'en courant que nous avons pu lui rendre cet hommage.
1er Decembre 1843.
APPENDICE
A L'ARTICLE SUR JOSEPH DE MAISTRE, Page 446.
Nous extrayons du numero de la _Revue des Deux Mondes_, 1er octobre
1843, les quelques pages suivantes qui completent ou appuient notre
premier travail.
I.--NOTICE SUR M. GUY
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