ert impudemment devant le Cardinal et toute la Cour, sans que l'on
lui en eut fait signe, et que M. le marechal d'Estrees dit publiquement
a Rome que ce n'est qu'un pedant, et qu'il s'etoit voulu meler de lui
donner une instruction, a laquelle il n'y avoit ne sel ni sauge, ne rime
ni raison. Je suis tellement anime contre la mechancete de cet homme,
laquelle je connois mieux que homme du monde, pour l'avoir experimente
sur moi et vu pratiquer en tant d'autres occasions, que je ne me
lasserois jamais d'en medire. C'est pourquoi je vous prie, monsieur,
de pardonner si je vous en parle si longtemps: _Ipse est catharma,
carcinoma, fex, excrementum_,--de tous les hommes de lettres auxquels il
fait honte et deshonneur..."
[Note 254: La Mothe-Le-Vayer.]
[Note 255: _Ciarla_, en italien, d'ou _charlatan_.]
Le reste de la lettre est sur d'autres sujets; elle est datee de "Riete,
ce 30 juin 1636." On y peut joindre cette note que Guy Patin ecrivait
vers le meme temps dans son Index ou Journal:
"1635.--Le 19 mai, un samedi apres midi, ai visite aux Jacobins reformes
du faubourg Saint-Honore un Pere italien, repute fort savant homme,
nomme Campanella, avec lequel j'ai parle de disputes plus de deux
heures. De quo vere possum afiirmare quod Petrarcha quondam de Roma:
_Multa suorum debet mendociis_. Il sait beaucoup de choses, mais
superficiellement: _Multa quidem scit, sed non multum_."
J'ai cru qu'il n'etait pas inutile, dans un temps ou l'on est en train
d'exagerer sur Campanella, de faire connaitre cette opinion secrete
de Naude et du monde de Naude. Puisque leur temoignage exterieur est
souvent invoque en l'honneur du philosophe calabrois, il etait juste
qu'on eut le temoignage intime et confidentiel.
Je mets de mes pensees ou je puis, et a chaque edition nouvelle d'un
ouvrage j'en profite comme d'un convoi qui part pour envoyer au public,
a mes amis et meme a mes ennemis (dussent-ils se servir de cette cle
comme d'une arme, selon leur usage) quelques mots qu'il m'importe de
dire sur moi-meme et sur ce que j'ecris. Voici une de ces remarques qui
porte sur l'ensemble de mon oeuvre critique:
"J'ai beaucoup ecrit, on ecrira sur moi, on fera ma biographie, et
les critiques chercheront a se rendre compte de mes ouvrages fort
differents; je veux leur epargner une partie de la peine et leur abreger
la besogne, en expliquant ma vie litteraire telle que je l'ai entendue
et pratiquee.
J'ai mene assez volontiers ma vie
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