ne Quatremere?) qui en disait. Naude eut le tort
d'y ceder et d'y repondre. Tout cela se passait a propos du plus clement
et du plus misericordieux des livres, autour de l'_Imitation_. Ajoutez
que, dans cette querelle de Naude et de Dom Quatremaire, on ne savait
pas tres-bien le francais de part et d'autre, ou du moins on ne savait
que le vieux francais; les injures en etaient d'autant plus grosses.
Il en resulta meme des meprises singulieres. Naude, s'en prenant a
un benedictin italien, le Pere Cajetan, qui etait petit et assez
contrefait, l'avait appele _rabougri_; les benedictins de Saint-Maur ne
se rendirent pas bien compte du terme, et le confondirent avec un bien
plus grave qui a quelque rapport de son. Ces venerables religieux en
demanderent reparation en justice comme d'une appellation infame. La
naivete preta a rire. Naude lui-meme porta plainte en diffamation devant
le Parlement; on a son factum (_Raisons peremptoires_, etc., 1651); je
le voudrais supprimer pour son honneur. Sur ce terrain-la, il n'a pas
son esprit habituel: ce n'est plus qu'un savant du XVIe siecle en
colere. Il prit pourtant occasion de sa defense pour dresser une
liste et kyrielle, comme il les aime, de toutes les falsifications,
corruptions de pieces, tricheries, qu'on imputait aux benedictins dans
les divers ages. En poussant cette pointe, il a, sous air pedantesque,
sa double malice cachee, et il infirme plus de choses ecclesiastiques
qu'il ne fait semblant. On assure qu'il eut alors les rieurs de son
cote; mais il dut etre au fond mecontent de lui-meme: le philosophe en
lui avait fait une faute.[252]
[Note 252: On peut voir, si l'on veut, sur cette sotte et desagreable
affaire, la _Bibliotheque critique_ de Richard Simon, tome Ier, et
aussi le tome Ier, des _Ouvrages posthumes_ de Mabillon. Dom Thuillier,
benedictin, y prend une revanche sur Naude.]
La seconde Fronde lui laissait peu d'espoir de recouvrer sa condition
premiere; il accepta d'honorables propositions de la reine Christine,
et partit pour la cour de Stockholm, ou il fut bibliothecaire durant
quelques mois. Cette cour etait devenue sur la fin un guepier de savants
qui s'y jouaient des tours; Naude n'y tint guere. Il etait d'ailleurs
a l'age ou l'on ne recommence plus. Il revenait de la, degoute de
sa tentative, rappele sans doute aussi par le mal du pays et par la
perspective de jours meilleurs apres les troubles civils apaises,
lorsqu'il fut pris de maladie et mourut en
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