langue en general
forte, mais chargee et bigarree a l'exces. Qu'y avait-il a faire
desormais? Quelques ecrivains, mediocrement penseurs, doues seulement
d'une vive sagacite litteraire, ouvrirent des l'abord une ere nouvelle
pour l'expression; le gout, qui implique le choix et l'exclusion,
les poussa a se procurer l'elegance a tout prix et a rompre avec les
richesses memes d'un passe dont ils n'auraient su se rendre maitres.
Ainsi opererent Malherbe et Balzac. Quant au fond meme des idees, la
revolution fut plus lente a se produire; on continua de vivre sur le
XVIe siecle et sur ses resultats, jusqu'a ce que Descartes vint decreter
a son tour l'oubli du passe, l'abolition de cette science genante, et
recommencer a de nouveaux frais avec la simplicite de son coup d'oeil et
l'eclair de son genie. Naude, lui, n'avait aucun de ces caracteres
qui etaient propres au siecle nouveau; il ne se souciait en rien de
l'expression litteraire, il ne s'en doutait meme pas; et pour ce qui est
d'innover et de rencherir en fait de systeme, s'il avait jamais pense a
le faire, c'eut ete dans les lignes memes et comme dans la poussee du
XVIe siecle, en reprenant quelque grande conception de l'antiquite et
en greffant la hardiesse sur l'erudition. Mais s'il eut a un moment ces
velleites d'enthousiasme, comme semble l'attester son admiration de
jeune homme pour Campanella, elles furent courtes chez lui; il retomba
vite a l'etat de lecteur contemplatif et critique, notant et tirant la
moralite de chaque chose, repassant tout bas les paroles des sages, et,
pour verite favorite, se donnant surtout le divertissement et le mepris
de chaque erreur. Naude appartient essentiellement a cette race de
sceptiques et academiques d'alors, dont on ne sait s'ils sont plus
doctes ou plus penseurs, etudiant tout, doutant de tout entre eux, que
Descartes est venu ruiner en etablissant d'autorite une philosophie
spiritualiste, croyante dans une certaine mesure, et capable de
supporter le grand jour devant la religion [226]. A voir l'anarchie morale
qui regnait durant le premier tiers du siecle, et l'impuissance d'en
sortir en continuant la tradition, on apprecie l'importance de cette
brusque reforme cartesienne a titre d'institution publique de la
philosophie. Quant a l'autre espece de sagesse plus a huis-clos et dans
la chambre, qui ne s'enseigne pas, qui ne se professe pas, qui n'est pas
une methode, mais un resultat, pas un debut ni une promesse, mais une
habitu
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