liotheque publique et universelle avec
la meme persistance et la meme chaleur que Diderot a pu mettre a
l'_Encyclopedie_; il se consume a l'edifier par toutes sortes de travaux
et de voyages; il n'aime la gloire que sous cette forme, mais c'est a
ses yeux une belle gloire aussi, et, au moment ou il semble l'avoir
atteinte, il echoue, ou du moins il peut croire qu'il a echoue. Quoi
qu'il en soit, l'honneur lui en reste; il est le premier a qui la France
dut cette sorte de publicite et de conquete, l'idee et l'exemple de
l'acces facile vers ces nobles sources de l'esprit. En cela il fut bien
le contemporain et le cooperateur des Conrart, des Colbert, des Perrault
(de loin on mele un peu les noms), de tous ceux enfin du nouveau
siecle qui, par les academies, par les divers genres de fondations,
d'encouragements ou de projets, contribuerent a mettre en dehors la
pensee moderne et a la vulgariser. Lui, le moins promoteur en apparence
et le moins en avant, pour les facons, des ecrivains de sa date, il eut
sa fonction sociale aussi.
[Note 233: Voir le _Mascurat_, page 246. Cette porte particuliere
n'eut pas temps de s'ouvrir, a cause des troubles. L'hotel du cardinal
Mazarin tenait precisement le meme local qu'occupe aujourd'hui la
Bibliotheque du Roi. Il etait dans les destinees que le voeu, le plan de
Naude se realisat en ce meme lieu et sur toute son echelle. Au tome VI
des _Manuscrits francais de la Bibliotheque du Roi_, M. Paulin Paris
fait ressortir ces analogies.]
Ce petit _Adeis_ sur les bibliotheques renferme plus d'une fine
remarque; tout en rangeant ses livres, Naude ne se fait faute dejuger
les auteurs et les sujets. Il est decidement injuste pour les romans,
qu'il estime une pure frivolite, comme si Rabelais et Cervantes
n'etaient pas venus. Sur tout le reste, il se montre ouvert, equitable,
accueillant. Son esprit se declare dans les motifs de ses choix; il veut
qu'on ait en chaque matiere controversee le pour et le contre, afin
d'entendre toutes les parties [234]: ce sont des couples de lutteurs
enchaines qu'on ne separe pas. Les heretiques donc (moyennant quelques
precautions de forme) s'avancent a distance respectueuse des orthodoxes.
A cote des anciens qu'il venere, il n'oublie les novateurs qui le font
penser, qui lui suggerent toutes les conceptions imaginables, et surtout
lui otent _l'admiration, ce vrai signe de notre faiblesse_. Plus loin,
il s'eleve contre les preventions et les exclusions en fait de
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