_Cite du Soleil_. Pour celebrer cette
delivrance toute recente encore, Naude adressa, en 1632, au pape Urbain
VIII, un panegyrique latin imite de ceux des anciens rheteurs, Themiste,
Eumene. On sent, a ses frais inaccoutumes d'eloquence, qu'il parle au
pontife lettre, au poete disert, a l'_Urbanite meme_ (il fait le jeu de
mots), a celui qui, suivant son expression, a _moissonne tout le Pinde,
butine tout l'Hymette_, et _bu toute l'Aganippe_. Ce ne sont que fleurs
et qu'encens, ce n'est, que sucre, que miel et que rosee. Le style latin
de Naude laissa toujours a desirer pour la vraie elegance. Mais cette
assez mauvaise prose poetique, cette flatterie plus que francaise,
cette reconnaissance trop italienne, tous ces defauts du panegyrique
composent, dans le cas present, une tres belle et tres noble action, a
savoir la defense et l'apologie, aux pieds du Saint-Siege, de la science
et de la philosophie, hier encore persecutees[240].
[Note 239: "Et lorsque Campanella eut dessein de se faire roi de la
Haute-Calabre, il choisit tres a propos pour compagnon de son entreprise
un frere Denys Pontius, qui s'etait acquis la reputation du plus
eloquent et du plus persuasif homme qui fut de son temps... etc."
(Naude, _Coups d'Etat_, chap. IV.)]
[Note 240: Voir, dans les lettres latines de Naude, la 31e a
Campanella, et la dedicace reconnaissante que celui-ci lit a Naude de
son petit traite _de Libris propriis et recta Ratione studendi_.--Osons
dire toute la verite. Il existe, au tome X de la Correspondance
manuscrite de Peiresc (Bibliotheque du Roi), une lettre de Naude qui
semble donner un bien triste dementi a ces temoignages publics, a cet
echange de bons offices et de magnifiques demonstrations entre lui et
Campanella. Il parait que ce dernier, apres sa sortie de Rome et son
arrivee en France, s'etait _licencie_ sur le compte de Naude en je ne
sais quelles paroles et imputations qui pouvaient avoir de la gravite.
La lettre de Naude a Peiresc, datee de Riete, 30 juin 1636, nous montre
plus que nous ne voudrions l'irritation de l'offense et son jugement
secret sur l'homme qu'il avait tant admire et celebre publiquement. On
y a l'envers complet de tout a l'heure. Campanella y est taxe
d'ingratitude, de legerete, de charlatanisme effronte et d'insupportable
orgueil; ce sont les inconvenients de plus d'un grand esprit, et on en
a connu de tout temps qui avaient peu a faire pour tomber dans ces
defauts-la. Naude, qui n'avait admire
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