tous les magasins de bouquinistes, nous le
represente, au sortir de ces coups de main, tout poudreux lui-meme de
la tete aux pieds, tout rempli de toiles d'araignees a sa barbe, a
ses cheveux, a ses habits, tellement que ni brosses ni epoussettes
semblaient n'y pouvoir suffire. Eh bien! le style de Naude (il faut
d'abord s'y faire) est plein de toiles d'araignees comme sa personne.
Encore une fois, ce n'est pas une raison pour se detourner; il vaut la
peine qu'on l'accoste sous ce costume. Rien de moins _scholar_ au fond
et de moins pedant que lui; il verifie, aussi bien que Bayle, ce mot de
Nicole, que le pedantisme est un vice, non de robe, mais d'esprit; et,
se rendant justice a lui-meme au chapitre 1er de ses _Coups d'Etat_, il
a pu dire: ".....Car il est vrai que j'ai cultive les Muses sans les
trop caresser, et me suis assez plu aux etudes sans trop m'y engager.
J'ai passe par la philosophie scholastique sans devenir eristique, et
par celle des plus vieux et modernes sans me partialiser:
Nullius addictus jurare in verba magistri.
"Seneque m'a plus servi qu'Aristote; Plutarque que Platon; Juvenal
et Horace qu'Homere et Virgile; Montaigne et Charron que tous les
precedents... Le pedantisme a bien pu gagner quelque chose, pendant sept
ou huit ans que j'ai demeure dans les colleges, sur mon corps et facons
de faire exterieures, mais je me puis vanter assurement qu'il n'a
rien empiete sur mon esprit. La nature, Dieu merci, ne lui a pas ete
maratre."
Son premier ecrit francais connu (je laisse de cote l'introuvable
_Marfore_) est son _Instruction a la France sur la verite de l'histoire
des Freres de la Rose-Croix_, publiee en 1623. Vers cette annee-la, en
effet, "le roi etant a Fontainebleau, le royaume tranquille et Mansfeld
[227] trop eloigne pour en avoir tous les jours des nouvelles, l'on
manquoit de discours sur le change," enfin les sujets de conversations
par toutes les compagnies etaient epuises, lorsqu'un mystificateur ou un
fou s'avisa de remuer tout Paris par une affiche placardee aux coins de
rue et qui annoncait la venue mysterieuse des freres Rose-Croix pour
tirer les hommes _d'erreur de mort_, et reveler le grand secret final.
Ces Rose-Croix se rattachaient sans doute a la societe de freres que
Bacon dit avoir existe a Paris, et dont il raconte une seance [228]. C'est
cette mystification et cette fourberie des promesses de l'affiche que
Naude entreprend de refuter et d'eclaircir. Apres s'etre r
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