aille, au
debut, de l'eternelle badauderie des Francais, il explique tres-bien
comment cette chimere, cette credulite, contagieuse des Rose-Croix a pu
naitre de l'enivrement d'invention qui suivit le XVIe siecle. Apres
tant de nouveautes que l'age des derniers parents avait vues sortir,
on arrivait aisement a se persuader qu'il n'y avait plus qu'une seule
decouverte et qu'une seule merveille qui en meritat le nom. _La nature,
jouant de son reste_, ramassait toutes ses forces pour produire ce
dernier bouquet d'illumination et d'artifice. A lire quelques-uns des
arguments de Naude, on croirait (sauf le style un peu different) lire
certaines boutades de Charles Nodier raillant les sectes novatrices
de notre age, les saint-simoniens ou autres. Sous la plume des deux
railleurs, l'exemple de Postel, de ses ineffables reveries et de sa mere
Jeanne, qui devait emanciper, racheter les femmes (car Jesus-Christ,
disait Postel, n'avait rachete que les hommes), revient souvent comme
limite extreme des folies savantes. Le Postel fut present de bonne heure
a Naude pour lui prouver que tout se peut dire et croire, pour lui
apprendre a se mefier de la sottise humaine, jusqu'en de grands esprits
et au sein de la plus haute doctrine. A l'age de vingt-trois ans, Naude
nous parait deja dans ce livre ce qu'il sera toute sa vie, revenu et
gueri de l'ambition des nouveautes ou il s'etait _fantasie_ d'abord, se
rabattant au passe de preference et aux opinions des anciens, visant a
se refugier, a penetrer de plus en plus dans la verite secrete et entre
sages, _sub rosa_, comme il dit [229]. Le chapitre VII, dans lequel il
commente a sa guise le conseil d'Aristote, _que celui qui veut se
rejouir sans tristesse n'a qu'a recourir a la philosophie_, nous le
montre, au milieu de cette fougue du temps, savourant ce profond plaisir
du sceptique qui consiste a voir se jouer a ses pieds l'erreur humaine,
et laissant du premier jour echapper ce que, vingt-cinq ans plus tard,
il exprimera si energiquement dans le _Mascurat_: "Car, a te dire vrai,
Saint-Ange, l'une des plus grandes satisfactions que j'aie en ce monde,
est de decouvrir, soit par ma lecture, ou par un peu de jugement que
Dieu m'a donne, la faussete et l'absurdite de toutes ces opinions
populaires qui entrainent de temps en temps les villes et les provinces
entieres en des abimes de folie et d'extravagances." Aussi quelle pitie
pour lui que la Fronde, et que toutes les frondes! Il fut servi a
s
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