le faut emanciper, le mettre en pleine et entiere possession de son
bien, et lui faire exercer son office qui est de croire et respecter
l'histoire ecclesiastique, raisonner sur la naturelle, et toujours
douter de la civile." Pour preuve de soumission a l'histoire
ecclesiastique, tout aussitot apres ce passage il entame un petit eloge
de l'empereur Julien, "de cet empereur, dit-il, autant decrie pour son
apostasie que renomme pour plusieurs vertus et perfections qui lui ont
ete particulieres [231]." L'histoire ecclesiastique ainsi exceptee, il est
evident qu'en toute matiere, civile du moins et naturelle, Naude fait
volontiers une double part, l'une de la sottise et de la credulite des
masses, l'autre de la singuliere industrie de quelques habiles. Il croit
surtout a la credulite humaine, et s'en retire en repetant pour son
compte:
[Note 230: Il reitere et developpe cette pensee avec une rare energie
au chapitre IV de ses _Coups d'Etat_: "....Ses plus belles parties (de
la populace) sont d'etre inconstante et variable, approuver et improuver
quelque chose en meme temps, courir toujours d'un contraire a l'autre,
croire de leger, se mutiner promptement, toujours gronder et murmurer;
bref, tout ce qu'elle pense n'est que vanite, tout ce qu'elle dit
est faux et absurde, ce qu'elle improuve est bon, ce qu'elle
approuve'mauvais, ce qu'elle loue infame, et tout ce qu'elle fait et
entreprend n'est que pure folie." Ce sont de telles manieres de voir,
avec leur accompagnement politique et religieux, qui faisaient dire
plaisamment a Guy Patin que son ami Naude etait un grand _puritain_; il
entendait par la fort _epure_ des idees ordinaires.]
[Note 231: _Apologie_, chap. VIII.]
......Credat Judaeus Apella,
Non ego...........
La science humaine dans tout son fin et son retors et son _deniaise_,
pour parler comme lui, voila l'objet propre, le champ unique de Naude.
J'allais ajouter qu'il y a une chose a laquelle il n'a rien compris et
dont il ne s'est jamais doute, pour peu qu'elle existe encore, c'est
l'autre science, celle du Saint et du Divin; et qu'il semble tout a
fait se ranger a cet axiome volontiers cite par lui et emprunte des
jurisconsultes: _Idem judicium de iis quae non sunt et quae non
apparent_, Ce qu'on ne peut saisir est comme non avenu et merite d'etre
juge comme n'existant pas[232]. Mais j'irais trop loin en parlant ainsi;
on ne saurait trop se mefier de ces jugements absolus en telle matiere,
et l'_
|