Apologie_ renferme sur Zoroastre, Orphee et Pythagore, sur toutes
ces belles ames calomniees, ces genies des lettres,
Omnes coelieolas, omnes supera alla tenentes,
des pages elevees, presque eloquentes, qui indiquent chez lui le
sentiment ou du moins l'intelligence du Saint plus que je n'aurais cru.
Il pense avec Montaigne trop de bien de Plutarque, il l'estime trop
hautement le plus judicieux auteur du monde, pour fifre entierement
denue d'une certaine connaissance religieuse dont Plutarque a ete comme
le depositaire et le supreme pontife chez les paiens. Bien que cette
disposition reparaisse tres-peu chez Naude, et que je doive avec lui la
negliger dans ce qui suit, qu'il me suffise d'en avoir marque l'eclair
et d'avoir entrevu de ce cote comme un horizon.
[Note 232: "Les eaux de Sainte-Reine ne font point de miracles. Il y
a longtemps que je suis de l'avis de feu notre bon ami M. Naude, qui
disoit que, pour n'etre trompe, il ne falloit admettre ni prediction, ni
mystere, ni vision, ni miracles." Guy Patin (_Nouvelles Lettres a Spon_,
tome II, page 183).]
Deux ans apres l'_Apologie_, il donna un petit opuscule qui nous sied
mieux et ou il se peint directement dans son vrai jour: _Advis pour
dresser une Bibliotheque_, presente a M. le president de Mesmes (1627).
Compose, on le voit, en vue d'un patron, comme la plupart de ses autres
ecrits, celui-ci du moins nous traduit la plus chere des pensees de
l'auteur, sa veritable et intime passion. Naude n'en eut qu'une, mais il
l'eut toute sa vie, et avec les caracteres de constance, d'enthousiasme
et de devouement qui conviennent aux genereuses entreprises. Sa passion
a lui, son ideal, ce fut la bibliotheque, une certaine bibliotheque
comme il n'en existait pas alors, du moins en France. Lui si sage, si
indifferent sur le reste, si incapable de s'etonner et de s'irriter,
nous le verrons un jour malheureux et vulnerable de ce cote, et meme
eloquent dans sa blessure. Ce qu'il parvint a realiser a grand-peine
vingt ans plus tard avec le cardinal Mazarin, il le concevait, jeune,
aupres du president de Mesmes; il preludait a celte creation (car c'en
fut une), a cette espece d'institution et d'oeuvre. Expliquons-nous bien
comment Naude entendait la bibliotheque.
La passion des livres, qui semble devoir etre une des plus nobles, est
une de celles qui touchent de plus pres a la manie; elle atteint toutes
sortes de degres, elle presente toutes les varietes de forme et se
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