Naude est qualifie _Parisien_, en tete de ses livres, selon la
vieille mode, Parisien comme Charron, comme Villon. Il naquit en fevrier
1609, sur la paroisse Saint-Mery, de parents bourgeois, qui, voyant ses
heureuses dispositions, le mirent de bonne heure aux etudes. On cite
d'ordinaire ses deux maitres de philosophie, celebres pour le temps,
Frey et Padet; mais il serait plus essentiel de rappeler ce que Guy
Patin, son ami de jeunesse, nous apprend. Celui-ci, ayant a s'expliquer
sur les sentiments religieux de Naude, ecrivait a Spon [224]: "Tant que je
l'ai pu connoitre, il m'a semble fort indifferent dans le choix de la
religion et avoir appris cela a Rome, tandis qu'il y a demeure douze
bonnes annees; et meme je me souviens de lui avoir oui dire qu'il avoit
autrefois eu pour maitre un certain professeur de rhetorique au college
de Navarre, nomme M. Belurgey, natif de Flavigny "en Bourgogne, qu'il
prisoit fort..." Or, ce professeur de rhetorique se vantait notoirement
d'etre de la religion de Lucrece, de Pline, et des grands hommes de
l'antiquite; pour article unique de foi, on l'entendit alleguer souvent
certain choeur de Seneque dans la _Troade_: "Bref, ajoute Guy Patin,
M. Naude avoit ete disciple d'un tel maitre," et il conclut en citant ce
vers expressif du Mantouan que tous les biographes devraient mediter:
Qui viret in foliis venit a radicibus humor.
Cherchez bien, cette humeur et cette seve qui verdoie diversement dans
le feuillage, elle provient de la racine.
[Note 224: _Nouveau Recueil de Lettres choisies de Guy Patin_, tome V,
page 283.]
Le XVIe siecle finissait d'hier quand Naude naquit. On se figure
difficilement ce que devait paraitre cette feconde et forte epoque aux
yeux de ceux qui en sortaient, qui en heritaient, et pour qui elle etait
veritablement le dernier et grand siecle. Il faut voir comme Naude
s'en exprime en toute occasion; les admirateurs du XVIIIe siecle n'en
disaient pas plus a l'issue de leur age fameux. Tant de decouvertes
successives et croissantes, canons, imprimeries, horloges, un continent
nouveau, tout recemment l'economie des cieux cedant ses secrets aux
observations d'un Tycho-Brahe et aux lunettes d'un Galilee, voila ce que
Naude, jeune, avide de toute connaissance, eut d'abord a considerer, et
il s'en exalte avec Bacon. On aime a l'entendre proclamer _la felicite
de notre dernier siecle_, et on sourit en songeant que c'est celui meme
duquel nos litterateurs instruits
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