Rien de grand n'a de grand commencement, _crescit
occulto velut arbor cevo._ En effet, a travers ce qu'il appelle un pur
interregne, un chaos, quelque chose en dessous s'est peniblement forme,
ou du moins triture, petri, prepare; c'est ce quelque chose de nouveau
et de mixte qui doit faire le fond du prochain regime et qui doit vivre.
Il manquait a M. de Maistre, absent, de l'avoir vu de pres, _encore sans
nom_ (car le nom de tiers-etat dont Sieyes l'avait baptise au debut
n'etait que l'ancien). La Constitution de l'an III, dont l'auteur des
_Considerations_ se moque, tenait deja compte a sa maniere, autant
qu'elle le pouvait dans l'effervescence, de cette _moyenne_ encore
informe de la nation que les journees de Fructidor et autres coups
d'Etat refoulerent. Le Consulat surtout en tint compte et s'y fonda;
l'Empire a la fin la meconnut tout a fait et se perdit. C'est egalement
pour avoir meconnu ce quelque chose de mixte qu'elle avait tant
contribue a creer et a organiser, que la Restauration a peri; c'est
parce qu'il le respecte, qu'il l'accommode, et qu'en gros il le
contente, que le regime present est en train de vivre. Il oublie meme
un peu trop de le diriger, et il y cede trop.--Soit.--C'est le defaut
contraire au precedent.--Ce n'est pas un tres noble regime, dira-t-on,
qu'un tel regime representatif et monarchique, avec une seule heredite,
sans aristocratie veritable, sans democratie entiere et Franche.--Non:
mais c'est un regime sense, modere, tolerable assurement, et, qui plus
est, assez heureux.--Mais vivra-t-il? s'ecriera le theoricien absolu;
qu'on ne me parle pas de cet enfant au maillot! Combien a-t-il d'annees?
Qu'on attende!--Oui, on attendra. Je ne repondrai point que cette forme
de gouvernement elle-meme ne soit une preparation, un intervalle, une
transition a de plus souveraines. Mais toutes les formes de gouvernement
en sont la. Il suffit qu'elles vivent avec honneur un certain laps
d'annees, et qu'elles procurent durant ce temps a un certain nombre de
generations repos et bonheur, de la maniere dont celles-ci l'entendent.
Apres quoi ces formes passent, elles se brisent, elles se transforment.
Les historiens, les theoriciens viennent alors, les degagent de ce qui
les neutralisait souvent et les voilait aux yeux des contemporains, et
en font a leur tour des principes et des systemes qu'ils opposent aux
nouvelles formes naissantes et a peine ebauchees. Ainsi va le monde; et,
pour qui a la tournure d'espr
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