s'il faut creer pour eux des illusions et
laisser des opinions erronees devenir la regle de leur conduite. C'est
a la philosophie a eclairer l'espece humaine et a bannir de dessus la
terre les longues erreurs qui l'ont dominee. C'est par l'instruction que
seront gueries toutes les MALADIES de l'esprit humain. Bientot vous ne
les connaitrez que pour les mepriser, ces dogmes absurdes, enfants
de l'erreur et de la crainte: bientot la religion des Socrate, des
Marc-Aurele, des Ciceron, sera la seule religion du monde.... Ainsi vous
preparerez le seul regne de la philosophie.... Vous couronnerez avec
certitude la revolution commencee par la philosophie."
"Il faudrait avoir les yeux poches pour ne pas voir ici un homme en
colere, qui se console du decret dans la preface.
"Je mentirais au reste si j'assurais que je comprends tout ce morceau,
et que je connais les trois theologiens dont il parle; mais je gagerais
bien a tout hasard mes deux charrues contre un exemplaire de la nouvelle
Constitution, que Socrate, Marc-Aurele et Ciceron etaient protestants."
L'objection contre les _trois theologiens_ pouvait porter coup en
Savoie, a cette date de 1795; hors de la elle n'est que gaie.
Et ceci n'est pas, autant qu'on pourrait bien le croire, un accident du
genre. Certes M. de Maistre, par le fond habituel de sa pensee, restera
toujours un ecrivain profondement serieux; mais pourtant on n'a pas fait
en lui la part de ce qui tres-souvent dans le detail n'est que gai. On y
aurait gagne de le voir beaucoup plus au naturel et moins terrible.
La derniere des brochures preliminaires de M. de Maistre, que j'aie a
analyser, est son _Memoire sur les pretendus Emigres savoisiens_ (1796).
Ici, comme il s'adresse a la legislature de France, il sait prendre le
ton convenable, bien qu'energique, et non sans quelques-uns encore de
ces eclats de parole qui vont devenir le cachet inseparable de son
talent. C'est d'abord tout un tableau de la Terreur en sa malheureuse
patrie. Puisque les grands historiens s'occupent si peu de ces verites
de detail, de ces bagatelles provinciales et locales, qui generaient
leurs evolutions, qu'on veuille bien permettre au biographe de ne pas
les negliger. Les Francais, comme on l'a dit, etant entres en Savoie le
22 septembre 1792, on ne vit, pendant un mois, que ce qu'on voit dans
toutes les conquetes; mais bientot, les assemblees primaires ayant ete
convoquees, elles nommerent des deputes qui se reunirent a Ch
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