, sous l'impulsion excitante de la Revolution
francaise, et on les peut voir d'ici s'agiter, se lever sous le nuage
immense, comme pour y demeler l'oracle: on reconnait madame de Stael, M.
de Maistre, et M. de Chateaubriand.
Le plus jeune des trois, le seul meme qui fut a son vrai debut, M. de
Chateaubriand, en ce fameux _Essai sur les Revolutions_, versant a flots
le torrent de son imagination encore vierge et la plenitude de ses
lectures, revelait deja, sous une forme un peu sauvage, la richesse
primitive d'une nature qui sut associer plus tard bien des contraires;
d'admirables eclairs sillonnent a tout instant les sentiers qu'il
complique a plaisir et qu'il entre-croise; a travers ces rapprochements
perpetuels avec l'antiquite, jaillissent des coups d'oeil singulierement
justes sur les hommes du present: lui-meme, apres tout, l'auteur de
_Rene_ comme des _Etudes_, l'eclaireur inquiet, eblouissant, le songeur
infatigable, il est bien reste, jusque sous la majeste de l'age, l'homme
de ce premier ecrit.
Madame de Stael, qui, a la rigueur, avait deja debute par ses _Lettres
sur Jean-Jacques_, et qui devait accomplir un jour sa course genereuse
par ses eloquentes et si sages _Considerations_, laissait echapper alors
ses reflexions, ou plutot ses emotions sur les choses presentes, dans
son livre _de l'Influence des Passions sur le Bonheur_; mais ce titre
purement sentimental couvrait une foule de pensees vives et profondes,
qui, meme en politique, penetraient bien avant.
M. de Maistre, enfin, dont nous avons surpris les vrais debuts
anterieurs, eclatait pour la premiere fois par un ecrit etonnant, que
les annees n'ont fait, a beaucoup d'egards, que confirmer dans sa
prophetique hardiesse, et qui demeure la pierre angulaire de tout ce
qu'il a tente d'edifier depuis. Des le premier mot, il indique le point
de vue ou il se place: comme Montesquieu, il commence par l'enonce des
rapports les plus eleves, mais c'est en les eclairant de la Providence:
"Nous sommes tous attaches au trone de l'Etre supreme par "une chaine
souple, qui nous retient sans nous asservir." Ce sont les voies de la
Providence dans la Revolution francaise que l'auteur se propose de
sonder par ses conjectures et de devoiler autant qu'il est permis.
L'originalite de la tentative se marque d'elle-meme. Le XVIIIe siecle ne
nous a pas accoutumes a ces regards d'en haut, perdus en France depuis
Bossuet. Pour etre juste toutefois, il convient de rappeler qu'u
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