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homme que M. de Maistre a beaucoup lu tout en s'en moquant un peu,
_le Philosophe inconnu_, Saint-Martin publiait, a la date de l'an
III (1795), sa _Lettre a un Ami_, ou _Considerations politiques,
philosophiques et religieuses sur la Revolution francaise_, curieux
opuscule dans lequel le point de vue providentiel est formellement
pose[196]. Que M. de Maistre ait lu cette Lettre de Saint-Martin au moment
meme ou elle fut publiee, on n'en saurait guere douter, parce qu'elle
dut parvenir tres-vite a Lausanne, ou se trouvait alors un petit noyau
organise de mystiques, dont le plus connu, Dutoit-Membrini, venait de
mourir precisement en ces annees. Or, si l'on suppose M. de Maistre
recevant, ainsi qu'il est tres-probable, la communication de cette
brochure dans le temps ou il ecrivait son pamphlet de _Claude Tetu_, mur
comme il etait sur la question et tout echauffe par le prelude, il lui
suffit d'un eclair, pour l'enflammer; il dut se dire a l'instant, dans
sa conception rapide, que c'etait le cas de refaire la brochure de
Saint-Martin, non plus avec cette mollesse et cette fadeur a demi
inintelligible, non dans un esprit particulier de mysticisme et dans une
phraseologie beate qui tenait du jargon, mais avec franchise, nettete,
autorite, en s'adressant aux hommes du temps dans un langage qui portat
coup et avec des aiguillons sanglants qui ne leur donneraient pas envie
de rire.
[Note 196: Et pour que l'on comprenne mieux dans quel sens analogue a
celui de M. de Maistre, voici ce qu'apres un preambule sur ses principes
spiritualistes et sur la liberte morale, Saint-Martin disait a son ami:
"Supposant donc... toutes ces bases etablies et toutes ces verites
reconnues entre nous deux, je reviens, apres cette legere excursion, me
reunir a toi, te parler comme a un croyant, te faire, dans ton langage,
ma profession de foi sur la Revolution francaise, et t'exposer
pourquoi je pense que la Providence s'en mele, soit directement, soit
indirectement, et par consequent pourquoi je ne doute pas que cette
Revolution n'atteigne a son terme, puisqu'il ne convient pas que la
Providence soit decue et qu'elle recule."
"En considerant la Revolution francaise des son origine, et au moment ou
a commence son explosion, je ne trouve rien a quoi je puisse mieux la
comparer qu'a une image abregee du Jugement dernier, ou les trompettes
expriment les sons imposants qu'une voix superieure leur fait prononcer,
ou toutes les puissances de la ter
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