des canons et de la poudre, et toute la diablerie que vous savez; et
puis, au premier moment d'une guerre, ce serait une benediction de les
voir degringoler de l'autre cote! Soyez surs qu'ils y descendraient les
mains dans leurs poches, et, quand une fois on est en Piemont, les gens
qui savent un peu comment le monde est fait, disent que ce n'est plus
qu'une promenade. Si M. l'empereur etait assez grue pour souffrir que
ces gaillards gardassent la Savoie, il ferait tout aussi bien de les
mettre en garnison a Milan.
[Note 194: Verifie par le Simplon.]
Mais tandis que la Savoie est au roi de Sardaigne, on ne peut pas etre
surpris en Italie. Diantre! c'est bien different d'etre dans un pays ou
d'y aller.
Et nos bons amis les Suisses, croyez-vous qu'ils soient bien amuses
d'entendre les tambours des Francais de l'autre cote du lac? Les
Genevois, qui ne sont que des marmousets, les fatiguent deja
passablement; jugez comme ils ont envie de toucher de tous cotes la
republique francaise! Surement les Francais ne pourraient pas leur faire
un plus grand plaisir que de s'en aller d'ou ils sont venus. Les Suisses
et les Savoyards sont cousins, ils font leurs fromages en paix et ne se
font point d'ombrage. Que les grands seigneurs demeurent chez eux et ne
viennent pas casser nos pots!
Il faudra donc rendre la Savoie parce que tout le monde voudra qu'on la
rende, et quand la C. N. aurait les griffes assez fortes pour la retenir
dans le moment present, croyez-vous que ce fut pour longtemps? Bah! les
choses forcees ne durent jamais.
Le courage des Francais fait plaisir a voir, mais ne vous laissez pas
leurrer par cette lanterne magique. Vous savez que lorsqu'on se rosse un
jour de _vogue_, surtout lorsqu'on est un peu gris, on ne sent pas les
coups; mais c'est le lendemain qu'on se trouve bleu par-ci et bleu
par-la, qu'on se sent roide comme le manche d'une fourche, et qu'il n'y
a pas moyen de mettre un pied devant l'autre.
"Quand la France sera froide, vous l'entendrez crier."
Ce sont la, il me semble, de ces accents vibrants qui denotent que,
meme sous le masque du Jacques Bonhomme et du Sancho de son pays, M. de
Maistre ne peut pas se deguiser longtemps. Plus loin, pour exprimer
que les Francais ne sont pas encore gueris ni pres de guerir du mal
revolutionnaire: "S'ils etaient veritablement ennuyes d'etre malades,
dit-il, est-ce qu'ils ne se donneraient pas tous le mot pour faire venir
de la _theriaque de Venise?_"
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