gistrat, dont les
devoirs sont le theme auquel particulierement il s'attache. Mais jusqu'a
present le de Maistre que nous cherchons et que nous admirons n'est
point encore trouve.
Les annees qui s'ecoulerent jusqu'au coup de tocsin de la Revolution
francaise le laisserent tel sans doute, etudiant et meditant beaucoup,
murissant lentement, mais ne se revelant pas tout entier aux autres
ni probablement a lui-meme. Rien ne faisait pressentir l'illustration
litteraire et philosophique, a la fois tardive et soudaine, dont il
allait se couronner. C'etait un magistrat fort distingue, non pas
precisement (quoi qu'en ait dit quelqu'un de bien spirituel) un _melange
de courtisan et de militaire_: il n'avait de militaire que son sang de
gentilhomme, et du courtisan il n'avait rien du tout. Dans cette espece
meme de mercuriale dont nous parlions tout a l'heure, nous pourrions
citer, sur l'independance et le stoicisme imposes au magistrat, des
paroles significatives qui denoteraient toute autre chose que le
partisan du bon plaisir royal[186].
[Note 186: "... Qu'on ne dise pas, messieurs, qu'il est maintenant
inutile de nous elever a ce degre de hauteur que nous admirons chez les
grands hommes des temps passes, puisque nous ne serons jamais dans le
cas de faire usage de cette force prodigieuse. Il est vrai que, sous
le regne de rois sages et eclaires, les circonstances n'exigent pas de
grands sacrifices, parce qu'on ne voit pas de grandes injustices; mais
il en est que les meilleurs souverains ne sauraient prevenir; et
si quelqu'un ose assurer qu'en remplissant ses devoirs avec une
inflexibilite philosophique, on ne court jamais aucun danger, a coup sur
cet homme-la n'a jamais ouvert les yeux. D'ailleurs, messieurs, la
vertu est une force constante, un etat habituel de l'ame, tout a fait
independant des circonstances. Le sage, au sein du calme, fait toutes
les dispositions qu'exige la tempete, et quand Titus est sur le trone,
il est pret a tout, comme si le sceptre de Neron pesait sur sa tete...]
L'est-il jamais devenu depuis lors dans le sens positif qu'on lui
impute? il y aurait lieu, en avancant, de le contester. Ce qui n'est
pas douteux, c'est que M. de Maistre passait, non seulement dans sa
jeunesse, mais beaucoup plus tard, tout pres de la Revolution, pour
adopter les idees nouvelles, les opinions _liberales_. Dans quel sens et
jusqu'a quel point? c'est ce qu'il a ete impossible d'eclaircir, et l'on
n'a pu recueillir a ce
|