tout ce qui
concerne le comte de Maistre une sorte d'interet present que ce nom si
a part et orgueilleusement solitaire n'a jamais connu, et dont il peut,
certes, se passer. Pour nous, nous n'essayerons pas de le meler plus
qu'il ne convient a ces querelles, qu'il surmonte de toute la hauteur de
sa venue precoce et de son genie. Nous l'etudierons d'abord en lui-meme,
nous y reconnaitrons et nous y suivrons de pres l'homme antique,
immuable, a certains egards prophetique, le grand homme de bien qui a
senti le premier et proclame avec une incomparable energie ce qui allait
si fort manquer aux societes modernes en cette crise de regeneration
universelle. En le prenant des le berceau, dans son education, dans sa
carriere et sa nationalite exterieures et contigues a la France, nous
aurons deja fait la part de bien des exagerations ou il a paru tomber,
et sur lesquelles, d'ici, le parti adversaire l'a voulu uniquement
saisir. Ces exagerations pourtant, en ce qu'elles ont de trop reel, nous
les poursuivrons aussi, nous les denoncerons dans la tournure meme de
son talent, dans l'absolu de son caractere; nous en mettrons, s'il
se peut, a nu la racine. Heureux si, dans ce travail respectueux
et sincere, nous prouvons aux admirateurs, je dirai presque aux
coreligionnaires de l'auguste et vertueux theoricien, que nous ne
l'avons pas meconnu, et si en meme temps nous maintenons devant le
public impartial les droits desormais imprescriptibles du bon sens, de
la libre critique et de l'humaine tolerance!
[Note 181: Voir l'etude sur le comte Xavier de Maistre, inseree dans
la _Revue des deux Mondes_, numero du Ier mai 1839; on ne l'a pas mise
dans ce volume, d'apres la regle qu'on s'est posee de n'y pas faire
entrer de vivants.--(Cette etude sur le comte Xavier est entree depuis
dans le tome II des _Portraits contemporains_, 1846.)]
I
L'aine du comte Xavier et l'un des plus eloquents ecrivains de notre
litterature, le comte Joseph-Marie de Maistre, naquit a Chambery le
1er avril 1753. Voltaire, a Ferney, ne se doutait pas, en face du
Mont-Blanc, que la grandissait, que de la sortirait un jour son
redoutable ennemi, son moqueur le plus acere. Le pere du futur vengeur,
magistrat considere, apres des charges actives noblement remplies, etait
devenu president au senat de Savoie[182]; son grand-pere maternel, le
senateur de Motz, gentilhomme du Bugey, qui n'avait eu que des filles,
s'attacha a ce petit-fils, et toute la sollicitude
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