es purs prophetes et des
jeunes Daniels est passe; c'est a l'ecole de l'histoire, a celle de
l'experience pratique et presente que se forment les sages et les mieux
voyants. Deux discours de M. de Maistre, l'un publie lorsqu'il n'avait
que vingt-deux ans, et l'autre prononce quand il en avait vingt-quatre,
vont nous le produire au debut, ayant deja l'instinct du style et du
nombre, mais des plus rhetoriciens encore, assez imbu des idees ou
du moins de la phraseologie du jour, et tout a fait l'un des jeunes
contemporains de Voltaire et de Jean-Jacques finissants.
Le premier opuscule qu'on ait de lui, publie a Chambery en 1775, a pour
sujet et pour titre l'_Eloge de Victor-Amedee III_, duc de Savoie, roi
de Sardaigne, de Chypre et de Jerusalem, prince de Piemont, avec cette
epigraphe: _Detestables flatteurs, present le plus funeste_, etc. Le
candide panegyriste en effet, s'abandonne avec ivresse, mais il ne
flatte pas. Dans cette espece d'epithalame adresse au pere et au roi au
moment du mariage de son fils Charles-Emmanuel avec Clotilde de France
et pour feter leur voyage en Savoie, le jeune substitut epanche en prose
poetique sa fidelite exaltee envers son souverain. Il vante les vertus
patriarcales de l'epoux: "...A qui vais-je parler? Quoi? dans le XVIIIe
siecle je vanterai les douceurs de l'amour conjugal?... Eh bien! je
parlerai..." Et il raconte l'anecdote de l'etranger qu'il conduit a
travers les appartements du palais et qui, arrive dans le cabinet du
roi, dit: "Je ne vois point le lit du roi."--"Monsieur, lui repondis-je,
nous ne savons ce que c'est que le lit du _roi_; mais si vous voulez
voir celui du _mari de_ la _reine_, passons dans l'appartement de
Ferdinande..." Il loue la religion du roi, il le loue de faire
disparaitre l'ignorance: l'enthousiasme, alors de rigueur, pour
l'agriculture, pour les lumieres, circule au milieu de ce culte de la
religion conserve. Ce sont des declamations sur les travaux construits:
"Une digue immense arrete le Rhone pret a engloutir les coteaux
delicieux de Chautagne. Cruelle Isere, tu rendras la proie..." On
noterait, si l'on voulait, quelques contrastes fortuits et piquants avec
ce qu'il ecrira plus tard: "J'avoue cependant qu'il y a dans tous les
pays des hommes dont on ne saurait acheter les services trop cher:
ce sont les _histrions_, les _saltimbanques_, les _delateurs_, les
_eunuques_, les _archers_, les BOURREAUX, les _traitants_.... Car, ces
gens-la n'ayant rien de
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