beilles ne viennent plus.
Juillet 1842.
LE COMTE DE SEGUR.
Les ecrivains polygraphes sont quelquefois difficiles a classer;
s'ils se sont repandus sur une infinite de genres et de sujets, sur
l'histoire, la politique du jour, la poesie legere, les essais de
critique et les jeux du theatre, on cherche leur centre, un point de vue
dominant d'ou l'on puisse les saisir d'un coup d'oeil et les embrasser.
Quelquefois ce point de vue manque; le jugement qu'on porte sur eux
s'etend alors un peu au hasard et demeure disperse comme leur vie et les
productions memes de leur plume. Mais on est heureux lorsqu'a travers
cette variete d'emplois et de talents on arrive de tous les cotes,
on revient par tous les chemins au moraliste et a l'homme, a une
physionomie distincte et vivante qu'on reconnait d'abord et qui sourit.
C'est ce qui doit nous rassurer aujourd'hui que nous avons a parler de
M. de Segur. Sa longue vie, traversee de tant de vicissitudes, serait
interessante a coup sur, peu aisee pourtant a derouler dans son etendue
et a rassembler: lui-meme, en la racontant, il s'est arrete apres
la periode brillante de sa jeunesse. Ses ouvrages litteraires sont
nombreux, divers, nes au gre des mille circonstances: ses oeuvres dites
completes ne les renferment pas tout entiers. Mais a travers tout, ce
qui importe le plus, l'homme est la pour nous guider et nous rappeler;
il reparait en chaque ouvrage et dans les intervalles avec sa nature
expressive et bienveillante, avec son esprit net, judicieux et fin, son
tour affectueux et leger, sa morale perpetuelle, touchee a peine, cette
philosophie aimable de tous les instants qui repand sa douce teinte sur
des fortunes si differentes, et qui fait comme l'unite de sa vie.
Ses _Memoires_ nous le peignent a ravir durant les quinze dernieres
annees de l'ancienne monarchie jusqu'a l'heure ou eclata la Revolution
de 89. Ne en 1753, il avait vingt ans a l'avenement de Louis XVI au
trone. Lui, le vicomte de Segur son frere, La Fayette, Narbonne, Lauzun,
et quelques autres, ils etaient ce que Fontanes appelait les _princes
de la jeunesse_. C'est toujours une belle chose d'avoir vingt ans; mais
c'est chose doublement belle et heureuse de les avoir au matin d'un
regne, au commencement d'une epoque, de se trouver du meme age que son
temps, de grandir avec lui, de sentir harmonie et accord dans ce qui
nous entoure. Avoir vingt ans en 1800, a la veille de Marengo, quel
ideal pour une ame hero
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