ne fut pas
compris de loin ni meme de pres; on en supposa d'autres plus graves. Les
cabinets etrangers, et meme les ambassadeurs qui etaient de la partie,
crurent voir des intentions menacantes sous ces airs de fete, et a force
de craindre une agression des Russes contre la Porte, on la fit naitre a
l'inverse de la part de celle-ci. M. de Segur sait nous interesser a
ce jeu dont il nous montre au doigt point par point le dessous; il
en ranime a ravir dans son recit le divertissement et les mille
circonstances.
Est-ce avant, est-ce apres ce voyage, qu'il eut a poser lui-meme
une limite dans les degres de cette faveur personnelle qu'il avait
ambitionnee aupres de l'illustre souveraine, faveur precieuse et qu'il
ne voulait pourtant pas epuiser? Je crois bien que ce fut avant le
voyage et dans l'ete qui preceda la signature de son traite de commerce.
On sait que la glorieuse imperatrice n'avait pas seulement des pensees
hautes, et qu'elle conserva jusqu'au bout le don des caprices legers.
Aimable, jeune, empresse de plaire, il etait naturel que M. de Segur
traversat a un moment l'idee auguste et mille fois conquerante.
Lorsqu'on le questionnait en souriant la-dessus, il repondait par un
de ces recits qui ne font qu'effleurer. Il avait ete invite par
l'imperatrice a l'une des residences d'ete, Czarskozelo ou toute autre,
et divers indices, jusqu'au choix de l'appartement qu'on lui avait
assigne, semblaient annoncer ce qu'avec les reines il est toujours un
peu plus difficile de comprendre. Or M. de Segur, charge d'une mission
delicate qui etait en bonne voie, tenait apparemment a y reussir sans
qu'on put attribuer son succes a une habilete trop en dehors de la
politique. Il avait de plus quelques autres raisons sans doute, comme
on peut supposer qu'en suggere aisement la morale ou la jeunesse. Mais
comment avertir a temps et avec convenance une fantaisie imperieuse
qui d'ordinaire marchait assez droit a son but? Comment conjurer sans
offense cette bonne grace imminente et son charme menacant? Chaque
apres-midi, a une certaine heure, dans les jardins, l'imperatrice
faisait sa promenade reguliere: deux allees paralleles etaient separees
par une charmille; elle arrivait d'ordinaire par l'une et revenait par
l'autre. Un jour, a cette heure meme de la promenade imperiale, M. de
Segur imagina de se trouver dans la seconde des allees au moment du
detour, et de ne pas s'y trouver seul, mais de se faire apercevoir,
comme a l'improv
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