t de Louis XVI une mission particuliere a Berlin aupres du roi
Frederic-Guillaume. Il ne s'agissait de rien moins qu'apres les
conferences de Pilnitz, de detacher doucement le monarque prussien
de l'alliance autrichienne, et de le detourner de la guerre. Dans un
interessant ouvrage publie en 1801 sur les dix annees de regne de
Frederic-Guillaume, M. de Segur a touche les circonstances de cette
negociation delicate ou il crut pouvoir se flatter, un tres-court
moment, d'avoir reussi. Les _Memoires d'un Homme d'Etat_ sont venus
depuis eclairer d'un jour nouveau et par le cote etranger toute cette
portion longtemps voilee de la politique europeenne; les mille causes
qui dejouerent la diplomatie de M. de Segur, et qui auraient fait
echouer tout autre en sa place, y sont parfaitement definies[175]. Le
moment etait arrive ou dans ce dechainement de passions violentes et
de preventions aveugles, il n'y avait certes aucun deshonneur pour
les hommes sages, pour les esprits moderes, a se sentir inhabiles, et
impuissants.
[Note 175: _Memoires tires des papiers d'un Homme d'Etat_, t. 1, p.
180-194.--Un adversaire et sans aucun doute un ennemi personnel du
comte de Segur, Senac de Meilhan, a ecrit, a ce sujet, cette page peu
connue: "... La presomption que l'homme est porte a avoir de ses
talents et de son esprit faisait croire a plusieurs jeunes gens qu'ils
joueraient (en 1789) un role eclatent; mais la Revolution, en mettant en
quelque sorte l'homme a nu, faisait evanouir promptement cette illusion,
qu'il etait aise de se faire a l'homme de cour, a celui du grand monde,
qui se flattait d'obtenir dans l'Assemblee les memes succes que dans la
societe. Le ton, les manieres, une certaine elegance qui cache le defaut
de solidite, l'art des a-propos, tout cela se trouve sans effet au
milieu d'hommes etrangers au grand monde et habitues a reflechir. Le
comte de Segur est un exemple frappant de mediocrite demasquee, de
presomption dejouee, d'infidelite punie. Les succes qu'il avait eus dans
la societe avaient enfle son ambition, il crut avoir dans la Revolution
une occasion de s'elever promptement, et se flattant, d'etre l'oracle
de l'Assemblee, il quitta une Cour (la Cour de Russie) ou quelques
_agrements_ dans l'esprit et des connaissances en litterature lui
avaient obtenu un accueil flatteur. Il s'empressa de venir a Paris, arme
de sa tragedie de _Coriolan_, d'une douzaine de fables et de cinq a six
chansons. Madame de Stael alla au-de
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