eu pour but et meme pour pretention de renouveler
presque tous les aspects d'un si vaste champ. Mais ce nous est un vif
regret que l'auteur, eut-il du courir sur certains intervalles, n'ait
pu mener son oeuvre jusqu'a travers le XVIIIe siecle; nul n'etait plus
designe que lui pour retracer la suite et l'ensemble politique de ce
temps encore neuf a peindre par cet aspect; il s'y fut montre original
en restant lui-meme.
M. de Segur se delassait de ces travaux severes par des morceaux plus
courts, par des Essais d'observation et de causerie qui, inseres d'abord
dans plusieurs journaux, ont ete recueillis sous le titre de _Galerie
morale et politique_ (1817-1823): cet ouvrage, ou l'auteur apparait
aussi peu que possible et ou l'homme se decouvre au naturel, etait aussi
celui des siens qu'il preferait. Nous partageons de grand coeur cette
predilection. M. de Segur prend la sa place au rang de nos moralistes
les plus fins et les plus aimables; on a comme la monnaie, la petite
monnaie blanche de Montaigne, du Saint-Evremond sans affeterie, du
Nivernais excellent. Je ne sais qui a dit de Nicole qu'il reussissait
particulierement dans les sujets moyens qui ne fourniraient pas tout a
fait la matiere d'un sermon. M. de Segur reussit volontiers de meme dans
quelques-uns de ces petits sujets qui feraient aussi bien le refrain
d'un couplet philosophique et qui lui fournissent un Essai:--_Rien de
trop!_--_Arretez-vous donc!_--On est embarrasse avec lui de citer,
parce que cette causerie plait surtout par sa grace courante et qu'elle
s'insinue plus qu'elle ne mord. Son frere le vicomte, avec moins de
fond, avait plus de trait et de pointe: M. de Segur est plutot un
esprit uni, orne, nuance; il ne sort pas des tons adoucis. N'allez rien
demander non plus de bien imprevu, de bien surprenant, a la morale qu'il
propose; Horace, Voltaire et bien d'autres y ont passe avant lui; c'est
celle d'un Aristippe non egoiste et affectueux. Il ne croit pas pouvoir
changer l'homme, il ne se pique meme pas de le sonder trop a fond; mais
il le sent tel qu'il est, et il tache d'en tirer parti. Il sait le mal,
mais il y glisse plutot que d'enfoncer, et il vous incline au mieux,
au possible. Sa morale est surtout usuelle. A cote des exemples a la
Plutarque dont il l'autorise, et qui feraient un peu trop lieu-commun en
se prolongeant, arrive un souvenir d'hier, un mot de Catherine, une de
ces anecdotes de XVIIIe siecle que M. de Segur conte si bien; on passe
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