iste, prenant ou recevant une legere, une tres-legere
marque de familiarite d'une des jolies dames de la cour qu'il n'avait
sans doute pas mise dans le secret.--Au diner qui suivit, le front de
Semiramis apparut tout charge de nuages et silencieux; vers la fin,
s'adressant au jeune ambassadeur, elle lui fit entendre que ses gouts
brillants le rappelaient dans la capitale, et qu'il devait supporter
impatiemment les ennuis de cette retraite monotone. A quelques
objections qu'il essaya, elle coupa court d'un mot qui indiquait sa
volonte.--M. de Segur s'inclina et obeit; mais lorsqu'il revit ensuite
l'imperatrice, toute bouderie avait disparu: la souveraine et la
personne superieure avaient triomphe de la femme. C'est plus que n'en
faisaient aux temps heroiques les deesses elles-memes: _Spretoeque
injuria formoe_[174].
[Note 174: S'il est vrai, comme on l'a dit, que plus tard, les
circonstances europeennes etant changees, Catherine, pour mieux dejouer
la mission de M. de Segur a Berlin, ait envoye au roi de Prusse les
billets confidentiels dans lesquels l'ambassadeur de France avait
autrefois raille les amours de ce neveu du grand Frederic, elle ne fit
en cela sans doute que suivre les pratiques constantes d'une politique
peu scrupuleuse; mais elle put bien y meler aussi tout bas le plaisir
de se venger d'un ancien dedain. Il y a de, ces retours tardifs de
l'amour-propre blesse.]
Lorsque M. de Segur rentra dans sa patrie apres cinq annees d'absence,
la Revolution de 89 venait d'eclater: un autre ordre d'evenements et de
conjonctures s'ouvrait au milieu de bien des esperances deja compromises
et de bien des craintes deja justifiees. Pour la plupart des hommes de
la periode precedente, les reves eblouissants allaient s'evanouir; les
rivages d'Utopie et d'Atlantide s'enfuyaient a l'horizon: les voyages
en Crimee etaient termines. Les _Memoires_ de M. de Segur finissent la
aussi, comme s'il avait voulu les clore sur les derniers souvenirs de sa
belle et vive jeunesse. Son role pourtant en ces annees agitees ne fut
pas inactif; il suivit honorablement la ligne constitutionnelle
ou plusieurs de ses amis le precedaient. Nomme au mois d'avril 91
ambassadeur extraordinaire a Rome en remplacement du cardinal de Bernis,
la querelle flagrante avec le Saint-Siege l'empecha de se rendre a sa
destination. Il refusa bientot le ministere des affaires etrangeres qui
lui fut offert a la sortie de M. de Montmorin; mais il accepta de la
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