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mois qu'il y resta, il put voir souvent passer M. David le statuaire,
qui allait visiter un jeune eleve malade. M. David avait de bonne heure,
des 1828, concu pour le talent de Bertrand la plus haute, la plus
particuliere estime, et il etait destine a lui temoigner l'interet
supreme. Bertrand lui a, depuis, avoue l'avoir reconnu de son lit; mais
il s'etait couvert la tete de son drap, en rougissant. Apres une espece
de fausse convalescence, il retomba de nouveau tres-malade, et dut
entrer a l'hospice Necker vers la mi-mars 1841. Mais, cette fois, sa
fierte vaincue ceda aux sentiments affectueux, et il appela aupres de
son lit de mort l'artiste eminent et bon, qui, durant les six semaines
finales, lui prodigua d'assidus temoignages, recueillit ses paroles
fievreuses et transmit ses volontes dernieres. Bertrand mourut dans l'un
des premiers jours de mai. M. David suivit seul son cercueil; c'etait la
veille de l'Ascension; un orage effroyable grondait; la messe mortuaire
etait dite, et le corbillard ne venait pas. Le pretre avait fini par
sortir; l'unique ami present gardait les restes abandonnes. Au fond de
la chapelle, une soeur de l'hospice decorait de guirlandes un autel pour
la fete du lendemain.
L'humble nom, du moins, subsistera desormais autre part encore que sur
la croix de bois du cimetiere de Vaugirard, ou le meme ami l'a fait
tracer. C'est le manuscrit exactement prepare par l'auteur pour
l'impression, qui, retire, moyennant accord, des mains du premier
editeur, se publie aujourd'hui a Angers sous des auspices fideles; cette
resurrection eveillera dans la patrie dijonnaise plus d'un echo. Je n'ai
pas a entrer ici dans le detail du volume; je n'ai fait autre chose que
le caracteriser par tout ceci, en racontant l'homme meme: depuis la
pointe des cheveux jusqu'au bout des ongles, Bertrand est tout entier
dans son _Gaspard de la Nuit_. Si j'avais a choisir entre les pieces
pour achever l'idee du portrait, au lieu des joujoux gothiques deja
indiques, au lieu des tulipes hollandaises et des miniatures sur email
de Japon qui ne font faute, je tirerais de preference, du sixieme livre
intitule _les Silves_, les trois pages de nature et de sentiment, _Ma
Chaumiere, Sur les Rochers de Chevremorte, et Encore un Printemps_. La
premiere doit etre d'avant 1830, lorsqu'avec un peu de complaisance on
se permettait encore de rever un roi suzerain en son Louvre; les deux
autres portent leur date et nous rendent avec une grac
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