rayon l'eblouit, une goutte l'enivre_, et en voila pour des journees.
Aussi, meme en ces mois de courte intimite, nous le perdions souvent de
vue; il disparaissait, il s'evanouissait pour nous, pour tous, pour ses
amis de Dijon, auxquels il ne pouvait plusse decider a ecrire. Dans une
lettre du 2 mai 1829, que nous avons sous les yeux, Charles Brugnot
lui en faisait reproche d'une maniere touchante, en le rappelant aux
champetres images du pays et en le provoquant a plus de confiance
et d'abandon: "Vous avez beau faire, mon cher Bertrand, je ne puis
m'accoutumer a vous laisser la-bas dans votre imprenable solitude.
Quelque obstine que soit votre silence, je l'attribue plutot a votre
souffrance morale qu'a l'oubli de ceux qui vous aiment... (Et apres
quelques conjectures sur la vie de Paris:) En revanche, mon cher
Bertrand, nous avons des promenades a travers champs qui valent
peut-etre les soirees d'Emile Deschamps. Nous avons les pechers tout
roses sur la cote, et les pruniers, les cerisiers, les pommiers, "tout
blancs, tout roses, tout embaumes, ou le rossignol chante; la verdure
des premiers bles, qui cache l'alouette tombee des nues, et la solitude
de nos _Combes_ qui verdissent et gazouillent. Je voudrais vous
apporter ici sur des ailes d'hirondelle, vous deposer a Gouville; la se
trouveraient votre mere, votre jolie soeur, deux ou trois de vos amis.
Nous dejeunerions sur l'herbe fraiche, nous irions errant tout le jour
sur la verdure des bois et des champs; et puis, le soir, vous auriez
vos ailes d'hirondelle qui vous reporteraient a votre case de Paris. Ce
serait le reveil apres un doux songe.--N'est-ce pas que vous donneriez
bien huit jours de Paris pour une journee comme celle-la?
"A defaut de promenades, ayons donc des lettres. Retrouvons-nous dans
nos lettres. Les indifferents decouragent; les coeurs connus remettent
de la chaleur et de la vie dans ceux de leurs amis, quand ils se
touchent. Un livre qui connaissait l'homme a dit: _Voe soli!_ Ne vous
consumez pas ainsi de tristesse et d'amertume, mon cher Bertrand. Pensez
a nous, ecrivez-nous, vous serez soulage!"
Ces bonnes paroles l'atteignaient, le touchaient sans doute, mais ne le
corrigeaient pas. Il souffrait de ce mal vague qui est celui du siecle,
et qui se compliquait pour lui des circonstances particulieres d'une
position genee. Un moment, la Revolution de Juillet parut couper court a
son anxiete, et ouvrir une carriere a ses sentiments moins c
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