blesse, j'en conviens, mais c'est humain et touchant.
Une des plus jolies idylles de Leonard est celle des _Deux Ruisseaux_,
bien connue sans doute, mais qui merite d'etre citee encore, eclairee
comme elle l'est ici par la connaissance que nous avons de son secret
douloureux:
Daphnis prive de son amante
Conta cette fable touchante
A ceux qui blamaient ses douleurs:
Deux Ruisseaux confondaient leur onde,
Et sur un pre seme de fleurs
Coulaient dans une paix profonde.
Des leur source, aux memes deserts
La meme pente les rassemble,
Et leurs voeux sont d'aller ensemble
S'abimer dans le sein des mers.
Faut-il que le destin barbare
S'oppose aux plus tendres amours?
Ces Ruisseaux trouvent dans leur cours
Un roc affreux qui les separe.
L'un d'eux, dans son triste abandon,
Se dechainait contre sa rive,
Et tous les echos du vallon
Repondaient a sa voix plaintive.
Un passant lui dit brusquement:
Pourquoi sur cette molle arene
Ne pas murmurer doucement?
Ton bruit m'importune et me gene.
--N'entends-tu pas, dit le Ruisseau,
A l'autre bord de ce coteau,
Gemir la moitie de moi-meme?
Poursuis ta route, o voyageur!
Et demande aux Dieux que ton coeur
Ne perde jamais ce qu'il aime.
La protection du marquis de Chauvelin, homme de beaucoup d'esprit et
poete agreable lui-meme, valut a Leonard un emploi diplomatique qui le
retint pendant dix annees environ (1773-1783), tantot comme secretaire
de legation, tantot meme comme charge d'affaires aupres du
Prince-Eveque de Liege. Le pays etait beau, les fonctions mediocrement
assujettissantes; il parait les avoir remplies avec, plus de conscience
et d'assiduite que de gout. Je dois aux communications parfaitement
obligeantes de M. Mignet, des renseignements plus precis sur cette
epoque un peu disparate de la vie de Leonard. Il eut l'honneur d'etre
trois fois charge d'affaires durant l'absence de son ministre, M.
Sabatier de Cabre; la premiere depuis le 18 novembre 1775 jusqu'au
21 juin 1777; la seconde depuis le 16 mars jusqu'au 9 aout 1778; la
troisieme depuis le 9 janvier jusqu'au 8 decembre 1782. C'est a ce
moment que, le marquis de Sainte-Croix ayant succede comme ministre
plenipotentiaire a M. Sabatier, Leonard se retira et rentra en France.
Gretry, dans le meme temps, arrivait a Liege, et y recevait des ovations
patriotiques que la correspondance de M. de Sainte-Croix mentionne et
que Leonard eut ete heureux d'enregistr
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