de la vie et de la nature. M. Fauriel,
dans les ingenieuses _Reflexions_ qui precedent sa traduction de _la
Partheneide_ de Baggesen, etablit que ce n'est point la condition des
personnages representes dans la poesie idyllique qui en constitue
l'essence, mais que c'est proprement l'accord de leurs actions avec
leurs sentiments, la conformite de la situation avec les desirs
humains, en un mot la rencontre harmonieuse d'un certain etat de calme,
d'innocence et de bonheur, que la nature comporte peut-etre, bien
qu'il soit surtout reserve au reve. Ainsi, dans les grands poemes
non idylliques, chacun sait d'admirables morceaux qu'on peut, sans
impropriete, qualifier d'idylles, et qui sont, meme en ce genre, les
exemples du ton certes le plus eleve et du plus grand caractere. Qu'on
se rappelle dans _l'Odyssee_ l'episode charmant de Nausicaa au sortir
de la plus affreuse detresse d'Ulysse; dans Virgile, la seconde vie des
hommes vertueux sous les ombrages de l'Elysee; dans le Tasse, la fuite
d'Herminie chez les bergers du Jourdain; dans Camoens, l'arrivee de Gama
a l'ile des Nereides; dans Milton, les amours de l'Eden. En tous ces
morceaux, l'emotion se redouble du contraste de ce qui precede ou de ce
qui va suivre, du bruit lointain des combats ou des naufrages, et
du cercle environnant de toutes les calamites humaines un moment
suspendues. Si ideal, si divin que soit le tableau, il garde encore du
reel de la vie.
Le genre idyllique, du moment qu'il se circonscrit, qu'il s'isole et se
definit en lui-meme, devient a l'instant quelque chose de bien moins
eleve et de moins fecond. Il y a lieu pourtant dans les poemes d'une
certaine etendue qui s'y rapportent, dans _Louise_, dans _Hermann
et Dorothee_, a des contrastes menages qui sauvent la monotonie et
eloignent l'idee du factice. Cet ecueil est encore evitable dans les
pieces plus courtes, dans les simples eglogues et idylles proprement
dites, qui, d'ailleurs, permettent bien moins de laisser entrevoir le
revers de la destinee et de diversifier les couleurs; mais Theocrite
bien souvent, et Goldsmith une fois, y ont reussi. Leonard, s'il ne
vient que tres-loin apres eux pour l'originalite du cadre et de la
pensee, pour la vigueur et la nouveaute du pinceau, a su du moins
conserver du charme par le naturel.
Ne sous le ciel des tropiques, au sein d'une nature a part, dont il ne
cessa de se ressouvenir avec amour, il ne semble jamais avoir songe a ce
que le hasard heureux de
|