sandum cum. (Ep. CLXXXIX.)]
Il ajoutait que les ecrits d'Abelard suffisaient sans discussion pour le
condamner, et qu'apres tout c'etait l'affaire des eveques et non celle
d'un moine et d'un abbe que de juger en matiere de dogme.
Mais voulant mieux assurer le succes et temoigner de son interet dans
l'affaire, il adressa aux eveques qu'elle regardait une circulaire pour
les engager tous a se trouver exactement au jour de la reunion, et a s'y
montrer fideles amis du Christ. Il les avertit en meme temps de se
tenir sur leurs gardes contre les ruses d'un ennemi qui esperait les
surprendre, les trouver mal prepares a la resistance, et dont la
perfidie se trahissait deja dans la brusque promptitude avec laquelle il
les avait defies[256].
[Note 256: _Id_., ep. CLXXXVII, ad episc. senonas convocandos.]
Cependant Abelard ne s'oubliait pas. Il donnait a ses amis et a ses
disciples rendez-vous a Sens pour le jour fixe. Il publiait qu'il
comptait bien y trouver Bernard et lui repondre. Il annoncait ce grand
debat comme un duel theologique en champ clos que deciderait avec
solennite le jugement de Dieu.
Ce fut bientot la nouvelle populaire, et l'attente devint generale. Les
amis de saint Bernard alarmes lui representerent tout le danger de
son absence, quelle confiance elle inspirerait a son adversaire, quel
decouragement a ses partisans, combien cet abandon apparent d'une si
juste cause lui pourrait nuire et donner de chances au triomphe de
l'erreur. L'abbe ceda; il consentit avec regret a paraitre au concile;
mais il assure qu'il ne put retenir ses larmes. Il partit pour Sens,
le coeur triste, sans preparer ni argumentation ni discours, mais se
repetant sans cesse cette parole de l'Evangile: _Ne premeditez pas votre
reponse, elle vous sera donnee a l'heure de parler_, et cette autre du
psalmiste: _Dieu est mon soutien; je ne craindrai pas ce qu'un homme
peut me faire[257]._ Mais s'il ne se preparait point pour le debat, il
avait tout dispose pour le jugement. De toutes parts, des eveques, des
abbes, des religieux, des maitres en theologie, enfin des clercs verses
dans les lettres avaient ete convoques. Thibauld, comte palatin de
Champagne, cher a l'Eglise pour ses pieuses fondations; Guillaume, comte
de Nevers, celebre par sa piete, qui lui fit un jour abandonner le monde
pour devenir chartreux[258]; d'autres nobles personnages se rendaient a
Sens.
[Note 257: _Id._ ep. CLXXXIX--Math., X, 10.--Ps. CXVII, 6.--_Ex vit.
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