martyrs et des saints. La cathedrale de Sens, metropole de la province
de Paris, etait riche en tresors de ce genre, et elle conserve encore
des traces precieuses pour l'antiquaire de son ancienne opulence. Le
jour de l'octave de la Pentecote de l'annee 1140, le roi avait promis
d'aller visiter a Sens les saintes reliques qu'on y devait exposer a la
veneration des grands et du peuple[252]. A cette occasion, il devait y
avoir dans cette ville un concours nombreux de prelats et de dignitaires
de l'Eglise. Non-seulement les suffragants de l'archeveque de Sens,
mais encore celui de Reims et les eveques de sa province, devaient s'y
rencontrer. On y annoncait aussi la presence de plusieurs seigneurs
du voisinage. Cette solennite etait attendue avec curiosite par les
populations.
[Note 252: _Alan. episc. autissiod. in S. Bern. Vit. adornat_.,
c. xxvi. _Rec. des Hist_., t. XIV, p. cv. in praef., et p. 371 et
484.--_Gallia Christ_., t. XII., p. 16.]
Irrite et enhardi par les attaques detournees dont il etait l'objet,
anime par les conseils de ses amis et peut-etre d'Arnauld de Bresce,
Abelard, s'adressant a l'archeveque de Sens, demanda que cette reunion
sainte devint un synode ou concile devant lequel il put etre admis a
repondre a ses adversaires et a venger sa foi par la parole [253].
[Note 253: S. Bern., _Op_., ep. CLXXXIX, ad dom. pap. Innocentium.]
On dit qu'il calculait que l'archeveque de Sens, qui avait eu recemment
quelque differend avec saint Bernard, lui serait favorable, et qu'une
convocation brusque et a bref delai deconcerterait ses ennemis [254]. Ce
qui est certain, c'est que son appel ne deplut pas a l'archeveque, dont
la vanite fut flattee, et qui songea aussitot a rendre l'assemblee plus
complete et l'epreuve plus solennelle. Il ecrivit a l'abbe de Clairvaux
afin de l'inviter au concile pour le jour fixe. Celui-ci refusa,
alleguant son inexperience de ces joutes de la parole. Il disait
qu'aupres d'Abelard, forme au combat des sa jeunesse, il n'etait lui
qu'un enfant. Il regardait comme inutile et peu digne de commettre la
foi dans ces disputes, _de laisser agiter ainsi la raison divine par de
petites raisons humaines_ [255].
[Note 254: Le P. Longueval, _Hist. de l'Egl. gall_., t. IX, l. XXV,
p. 22.]
[Note 255: "Abnui, tum quia puer sum, et ille vir bellator ab
adolescentia, tum quia judicarem indignum rationem fidei humanis
committi ratiunculis agitandam ... Dicebam sufficere scripia ejus ad
accu
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