lques temples qui avaient echappe a l'incendie furent ouverts et
rendus au culte. Pas loin de notre habitation, et dans la meme rue, il
existait une eglise pour les catholiques; un pretre francais emigre y
disait la messe. L'eglise portait le nom de Saint-Louis. L'on parvint
meme a retablir un theatre, et l'on m'a assure que l'on y avait joue
la comedie avec des acteurs francais et italiens. Que l'on y ait joue
ou non, une chose dont je suis certain, c'est qu'ils furent payes pour
six mois, et cela afin de faire croire aux Russes que nous etions
disposes a passer l'hiver dans cette ville.
Le 27, comme j'arrivais de descendre ma garde aux equipages, je fus
surpris agreablement en trouvant deux de mes pays qui venaient me
voir. C'etaient Flament, natif de Peruwelz, velite dans les dragons de
la Garde, et Melet, dragon dans le meme regiment; ce dernier etait de
Conde. Ils tombaient bien, ce jour-la, car nous etions en disposition
pour rire. Nous invitames nos dragons a diner et a passer la soiree
avec nous.
Dans differentes courses de maraude que nos soldats avaient faites,
ils nous avaient rapporte beaucoup de costumes d'hommes et de femmes
de toutes les nations, meme des costumes francais du temps de Louis
XVI, et tous ces vetements etaient de la plus grande richesse. C'est
pourquoi, le soir, apres avoir dine, nous proposames de donner un bal
et de nous revetir de tous les costumes que nous avions. J'oubliais de
dire qu'en arrivant, Flament nous avait appris une nouvelle qui nous
fit beaucoup de peine, c'etait la catastrophe du brave
lieutenant-colonel Martod, commandant le regiment de dragons dont
Flament et Melet faisaient partie. Ayant ete a la decouverte deux
jours avant le 25, dans les environs de Moscou, avec deux cents
dragons, ils avaient donne dans une embuscade, et, charges par trois
mille hommes, tant cavalerie qu'artillerie, le colonel Martod avait
ete mortellement blesse, ainsi qu'un capitaine et un adjudant-major
qui furent faits prisonniers apres avoir combattu en desesperes. Le
lendemain, le colonel fit demander ses effets, mais, le jour suivant,
nous apprimes sa mort.
Je reviens a notre bal, qui fut un vrai bal de carnaval, car nous nous
travestimes tous.
Nous commencames par habiller nos femmes russes en dames francaises,
c'est-a-dire en marquises, et, comme elles ne savaient comment s'y
prendre, c'est Flament et moi qui furent charges de presider a leur
toilette. Nos deux tailleurs russes etai
|