avant? Peut-etre; le calme
qui vient de l'impuissance est une plate chose.
Pour toi, c'est different. La raison, la force, la volonte t'ont place
ou tu es. Aussi tu as en toi-meme de serieuses jouissances, de nobles
consolations.
Je t'enverrai une longue lettre avant peu de temps; c'est-a-dire un
livre que j'ai fait[1] depuis que nous nous sommes quittes. C'est une
eternelle causerie entre nous deux. Nous en sommes les plus graves
personnages. Quant aux autres, tu les expliqueras a ta fantaisie. Tu
iras, au moyen de ce livre, jusqu'au fond de mon ame et jusqu'au fond
de la tienne. Aussi je ne compte pas ces lignes pour une lettre. Tu es
avec moi et dans ma pensee a toute heure. Tu verras bien, en me
lisant, que je ne mens pas.
Adieu, ami; ecris-moi, parle-moi de toi beaucoup, de ta famille, des
soins austeres de ta grande, belle et triste vie. Je te verrai dans un
ou deux mois. Adieu; crois que, pour la vie, je suis a toi.
Ton ami
GEORGE SAND.
[1] _Lelia_
CIV
A M. ADOLPHE GUEROULT. A PARIS
Paris, 3 juin 1833.
Monsieur,
Vous avez ete si bon et si obligeant pour moi, que, malgre le long
temps qui s'est ecoule sans m'apporter aucune nouvelle et aucune
visite de vous, je ne crains pas de reclamer votre bienveillance. Je
viens de faire un livre intitule _Lelia_, qui a besoin de votre appui.
Si vous voulez bien venir me voir, nous en causerons et je vous
demanderai de vive voix la continuation de vos bons offices.
Voulez-vous venir diner avec moi demain? Il faut que je vous dise, sur
ce livre assez embrouille et sur quelques difficultes du succes, plus
d'une parole, et je ne suis libre que vers cinq heures. Puis-je
compter sur vous?
Tout a vous, monsieur.
CV
A MADAME ***
Paris, juillet 1833
Madame,
Vous m'embarrassez avec vos questions. Je tiens singulierement a votre
estime; pourtant je ne puis me decider a mentir pour la conserver.
J'ai beaucoup d'egoisme et de nonchalance, vous me forcez a vous
l'avouer. Je ne sais ce que les influences etrangeres font a mon
indifference en matiere de saint-simonisme; je crois qu'elles n'y
entrent pour rien. Je crois meme n'avoir jamais songe a soulever une
question pour ou contre la societe dans _Indiana_ ou dans _Valentine_.
Pardonnez-le-moi, ou anathematisez-moi. Je suis forcee de le dire: la
societe est la moindre des choses que je hais et meprise. L'homme
livre a
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