es effets des mauvais
raisonnements", je n'en suis pas bien sur. Voila bien le _point
dogmatique_, car il faut toujours qu'on en ait un, voila bien le point
dogmatique de Montesquieu. Il deteste tant le despotisme qu'il finit par
croire presque que la liberte est un bien en soi, par consequent un but,
et que pourvu qu'on l'atteigne tout est gagne. Je ne sais trop. Il me
semble que la liberte n'est point precisement un but, mais un etat, un
"milieu", comme on dit maintenant, ou la raison peut s'exercer mieux
qu'ailleurs, pourvu qu'elle existe; mais que, cet etat favorable une
fois obtenu, il n'est point indifferent qu'on y raisonne mal ou bien.
Sa conception meme de la liberte a quelque chose de "formel"; et, comme
tout a l'heure il prenait pour la perfection sociale la condition qui
peut y conduire, de meme il prend pour la liberte ce qui n'est que la
formule de son exercice. Elle est selon lui "le droit de faire ce que
la loi ne defend pas". Il est vrai, et c'est la le _signe_ a quoi l'on
connait un despotisme d'un Etat libre; mais si toute la liberte etait
la, il ne pourrait donc pas y avoir de lois despotiques? On sent bien
qu'il peut en etre.--C'est que la liberte n'est pas seulement le droit
de n'obeir qu'a la loi, elle est la capacite de faire des lois qui ne
ressemblent pas a un despote. Elle est un sentiment d'equite et de
justice partant de la majorite des citoyens, se deversant et se fixant
dans la loi, et revenant aux citoyens sous forme de lois justes, sous
lesquelles ils se sentent libres et organises selon l'equite.--Elle
n'est pas une forme de constitution, elle est une vertu civique. Un
peuple despotique dans l'ame peut renverser le despotisme; apres quoi,
il fera immediatement des lois despotiques. Aussitot qu'il ne subira
plus la tyrannie, il l'exercera, et contre lui-meme; car la majorite est
solidaire de la minorite, les oppresseurs sont solidaires des opprimes;
la loi tyrannique que vous faites vous met, avec celui-la meme que
vous liez, dans un etat violent dont est gene le peuple entier ou une
violence existe, dans une sorte d'etat de guerre ou l'on souffre autant
de la guerre qu'on fait que de celle qui vous est faite.
Cette idee, il ne me semble point que Montesquieu l'ait eue. Ce domaine
reserve des droits individuels devant lequel doit s'arreter meme la loi,
il ne me parait pas qu'il le connaisse. Cette idee que la liberte est
avant tout mon droit _senti par un autre_, c'est-a-dire un respec
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