ur se hausser vers la lumiere, d'un mouvement
tres energique et dans un equilibre infiniment laborieux et infiniment
instable, et pour y retomber comme de leur poids naturel; les raisons
d'y rester, ou d'y revenir, etant multiples, le point ou il faut
atteindre pour y echapper etant unique, subtil, presque imperceptible,
et la liberte etant comme une sorte de reussite.
Comme l'homme, engage dans le monde fatal, dans le tissu materiel et
grossier des necessites, sent qu'il est une chose parmi les choses et
dependant de la monstrueuse poussee des phenomenes qui l'entourent, le
penetrent, le submergent et le noient; et s'eleve pourtant, ou croit
s'elever, au moins parfois, a un etat fugitif et precaire d'autonomie et
de gouvernement de soi-meme ou il lui semble qu'il respire un moment;
--de meme les peuples sont embourbes naturellement dans le despotisme,
et quelques-uns seulement, les plus raffines a la fois et les plus
forts, par une combinaison excellente et precieuse de raffinement et de
force, peuvent en sortir, et peut-etre pour un siecle, une minute dans
la duree de l'histoire; et cette minute vaut tout l'effort, et le
recompense et le glorifie; car ce peuple, un cette minute, a accompli
l'humanite.
Montesquieu la cherche donc, cette combinaison delicate. Il en a trouve
tout a l'heure des elements dans la democratie et il ne les oubliera
pas. Mais, nous l'avons vu aussi, la democratie ne suffit pas a realiser
son reve; elle a des pentes trop glissantes encore vers le despotisme,
et seule, sans melange, etant le caprice, elle est le despotisme
lui-meme.--Nous tournerons-nous vers l'aristocratie, qui pour
Montesquieu, et il a raison, n'est qu'une autre forme de la Republique?
Montesquieu est profondement aristocrate. Il a donne comme etant le
principe du gouvernement aristocratique la qualite qui etait le fond de
son propre caractere, la moderation. C'etait trahir son secret penchant.
Ce qu'il entend par aristocratie, c'est une sorte de democratie
restreinte, condensee et epuree. Un certain nombre--et il le veut assez
considerable--de citoyens distingues par la naissance, prepares par
l'heredite, affines par l'education (notez ce point, il y tient), et se
sentant, et se voulant egaux entre eux, gouvernent l'Etat du droit
de leur intelligence, de leurs aptitudes et de leur savoir.--Idees
singulieres, qui montrent assez combien Montesquieu reste de son temps
et de sa caste. Il en est tellement qu'il semble ne pas sou
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