ntiments, et des sentiments qui sont tres bons: fidelite personnelle,
amour pour un homme ou une famille, dont c'est la patrie qui
profite.--Autant dire (ce que Montesquieu n'a pas assez dit) qu'elle
fait une sorte de deviation du patriotisme, de deviation et de
concentration. Cette patrie, qu'on aimerait peut-etre languissamment, on
l'aime ardemment, et on la sert, dans cet homme qu'on voit et qui vous
voit, et peut vous remarquer, dans cet enfant qui vous sourit, qui vous
plait par sa faiblesse, qui, homme, sera la certainement, dans vingt
ans, avec une memoire que la grande patrie n'a guere.--Mais le
despotisme est la pire des choses, et il est bien vrai que la monarchie
y tend tres directement. Il suffit, pour qu'elle y glisse, que le roi
soit fort et ne soit pas tres intelligent[54], qu'il soit si capricieux
"qu'il croie mieux montrer sa puissance en changeant l'ordre des choses
qu'en le suivant... et qu'il soit plus amoureux de ses fantaisies que de
ses volontes". Cela se rencontre bien vite et est bien vite imite.
[Note 52: vii, 7.]
Que faire donc? Montesquieu n'a pas invente ce qui suit. Aristote
savait le secret, et Ciceron avait tres bien lu Aristote. Il faut un
gouvernement mixte, qui, par une combinaison tres delicate des avantages
des differents gouvernements, s'arrete dans un juste equilibre, et soit
aux Etats ce que la vie est au corps, l'ensemble organise des forces qui
luttent contre la mort toujours menacante: la mort des Etats, c'est le
despotisme.
Les anciens ont eu de ces sortes de gouvernements, et ce furent les
meilleurs qui aient ete. Ils ont su meler et unir, a certains moments,
aristocratie et democratie, dans des proportions tres heureusement
rencontrees. Nous avons une force de plus, une institution particuliere
apportant, elle aussi, ses avantages propres, la monarchie: faisons-la
entrer dans notre systeme. Montesquieu s'arrete a la _monarchie
aristocratique entouree de quelques institutions democratiques_.
La monarchie, en effet, est excellente a la condition d'etre a la fois
soutenue et contenue par quelque chose qui soit entre elle et la foule.
Le despotisme n'est pas autre chose qu'une foule d'egaux et un chef.
C'est pour cela que despotisme oriental ou democratie pure sont
despotisme au meme degre. Une nation n'est pas poussiere humaine, avec
un trone au milieu. Elle est un organisme, ou tout doit etre poids et
contrepoids, resistances concertees et equilibre. Egalite absolue ave
|