tres intelligent qui arrive
vite a n'appliquer son intelligence qu'a son interet. Dans la democratie
manque l'intelligence des interets generaux: dans l'aristocratie manque
le souci des interets generaux. Et obeissant a sa nature, qui est
concentration du pouvoir, l'aristocratie tend a se faire de plus en plus
restreinte, jusqu'a n'etre plus qu'aux mains de quelques-uns, dont le
plus fort l'emporte: nous voila encore au despotisme.
Nous retournerons-nous du cote de la monarchie?--Mais c'est le
despotisme!--Non! Non! et Montesquieu tient a cette distinction. Pour
lui la monarchie meme non parlementaire, meme sans Chambres deliberantes
a cote d'elle, n'est point le despotisme.
Les critiques qui depuis 1789 ont etudie Montesquieu ont ete surpris
de cette assertion, et l'ont consideree comme une singularite de son
imagination. L'idee peut etre une erreur; mais elle n'est pas une
nouveaute. Quand elle ne daterait pas de Rodin, elle daterait de
Bossuet[53]; c'est une idee commune aux publicistes de l'ancien regime
qu'une monarchie sans depot des lois n'est pas pour cela une monarchie
sans lois. Elle est absolue, elle n'est pas arbitraire. Elle n'est
contenue par rien, mais elle doit se contenir; elle n'est forcee d'obeir
a rien, mais elle _doit_ obeir a quelque chose. Elle a devant elle
vieilles lois nationales, vieilles coutumes, antiques religions, qu'elle
ne doit pas enfreindre. Elle est une volonte qui doit tenir compte des
coutumes. Il n'y a despotisme que dans les pays ou il n'y a ni lois, ni
religion, ni honneur, ni conscience.
[Note 53: "C'est autre chose que le gouvernement soit absolu, autre
chose qu'il soit arbitraire.... Outre que tout est soumis au jugement de
Dieu... il y a des lois dans les Empires contre lesquelles tout ce qui
se fait est nul de droit, et il y a toujours ouverture a revenir contre,
ou dans d'autres occasions ou dans d'autres temps (_Politique_, viii, 2,
1)]
Mais la ou la garantie de tout cela n'existe pas?--Il y a pente
au despotisme et trop grande facilite a l'etablir, mais non point
despotisme. Pour Montesquieu, la monarchie de Louis XIV, par exemple,
n'est point despotisme; il est vrai qu'elle y tend.
La monarchie ne doit donc pas etre repoussee _a priori_. Elle est tres
acceptable. Elle a meme pour elle un singulier avantage: elle fait faire
par _honneur_, par besoin d'etre distingue du prince, ce qu'on fait
ailleurs par vertu. Elle supplee au civisme. Elle arrive a creer des
se
|