ue le siecle attend. Ils la begayent presque tous,
aucun ne l'affirme.
Mon argumentation est superieure aux oeuvres, je veux dire que je
raisonne au-dessus des pieces qu'on peut jouer, d'apres la marche meme
de l'esprit de ce siecle. Le grand mouvement naturaliste qui nous
emporte, s'est declare successivement dans toutes les, manifestations
intellectuelles. Il a surtout transforme le roman, il a souffle a Balzac
son genie. J'attends qu'il souffle du genie a un auteur dramatique.
Jusque-la, pour moi, la litterature dramatique restera dans une
situation inferieure; on y aura peut-etre beaucoup de talent, mais en
pure perte, parce qu'on y pataugera au milieu d'enfantillages et de
mensonges qui ne se peuvent plus tolerer. Aujourd'hui, le roman ecrase
le drame du poids terrible dont la verite ecrase l'erreur.
Je conseille a M. Sarcey d'interroger les etrangers de grande
intelligence et de libre examen, des Russes, des Anglais, des Allemands.
Il verra quelle est leur stupefaction, en face de nos romans et de nos
oeuvres dramatiques. Un d'eux disait: "C'est comme si vous aviez deux
litteratures: l'une scientifique, basee sur l'observation, d'un style
merveilleusement travaille; l'autre conventionnelle, toute pleine de
trous et de puerilites, aussi mal batie que mal pensee."
Nos critiques ne voient pas le fosse parce qu'ils barbotent dedans.
Puis, il leur suffit que le monde entier applaudisse nos vaudevilles,
comme il chante nos refrains idiots. Il n'en est pas moins vrai qu'il
faut combler le fosse, que le fosse se comblera de lui-meme et que le
theatre sera alors renouvele par l'esprit d'analyse qui a elargi le
roman. Je constate que l'evolution se fait depuis quelques annees, d'une
facon continue. L'homme de genie attendu peut paraitre, le terrain est
pret. Mais, tant que l'homme de genie n'aura pas paru, les planches
seront vides, car le genie seul compte et merite d'etre.
Cela m'amene a repondre, sur deux autres points, a M. Sarcey. J'ai dit
qu'on imposait aux debutants le code invente par Scribe, et j'ai ajoute
que Moliere ignorait le metier du theatre, tel qu'il faut le connaitre
aujourd'hui pour reussir. La-dessus, M. Sarcey me repond que Scribe est
aujourd'hui en defaveur et que Moliere etait un "roublard".
Vraiment, Scribe est en defaveur? Eh bien! et M. Hennequin, et M. Sardou
lui-meme? Lorsque j'ai nomme Scribe, j'ai voulu evidemment designer
la piece d'intrigue, le tour de passe-passe, l'escamotage rempl
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