humaines.
Il y a encore une scene incroyable que je veux signaler. Anne d'Autriche
a charge le capitaine Coq-Hardy de negocier avec le grand Conde, qui
revient de Lens charge de gloire. Jolie situation, invention ingenieuse
et d'une vraisemblance etonnante. Alors, le capitaine parle en maitre a
Conde. Il le subjugue, le rend petit garcon, l'ecrase devant toute la
salle qui applaudit. Et, lorsque Conde ose demander une parole, le
capitaine lui repond a peu pres ceci:
--Vous avez la mienne!
Rien de plus royal. Voyez vous ce routier se promenant avec des
blancs-seings de la reine, faisant la lecon aux grands capitaines,
donnant sa parole avec des gestes de matamore! C'est de la farce
lugubre.
D'ailleurs, il est inutile de discuter. Un drame historique, bati sur ce
plan, ne soutient pas la discussion. Toutes les demences s'y abattent.
Il serait impossible de prendre un personnage et de l'analyser, sans
voir tout de suite qu'on a une marionnette dans les mains. Ainsi, je ne
connais pas de figure plus decourageante que la duchesse, cette femme
qui trompe son mari qui se sauve avec sa fille pour suivre un amant
indigne, le traitre de la piece, et que nous retrouvons dans les larmes,
dans le remords, dans tout le tra la la des beaux sentiments. J'ai dit
le mot juste, elle est decourageante, car rien n'est plus attristant
et malsain que le mensonge. L'auteur a du vouloir creer l'adultere
sympathique, l'ange des epouses infideles, l'heroine impeccable des
femmes tombees. Et il a accouche de cette pleurnicheuse, dont ni la
faute ni le repentir ne nous touchent, et qui se traine aux pieds de son
mari, sans que la salle soit emue. Pourquoi nous interesserions-nous
a elle, puisqu'elle est une poupee dont nous apercevons toutes les
ficelles?
Dirai-je un mot du style, maintenant? Ici, je me sens les bras casses.
J'avais veritablement l'impression d'un deluge de tuiles sur mes
epaules, pendant la representation de _Coq-Hardy_. On ne peut imaginer
les etranges phrases qui tombent la dedans. L'auteur semble avoir
ramasse avec soin toutes les tournures clichees, les betises de la
rhetorique, les images que l'usage a ridiculisees, afin de les mettre a
la queue les unes des autres dans son oeuvre. C'est un veritable cahier
de mauvaises expressions. Pas une ne manque. On aurait voulu faire un
pastiche de la langue des melodrames, qu'on ne serait certainement pas
arrive a une pareille reussite sans beaucoup d'efforts. Ce que je ne
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