comprends pas, c'est qu'un public n'ait pas les oreilles plus sensibles.
Comment se fait-il que des spectateurs, qui se facheraient si un
orchestre jouait faux, puissent supporter patiemment toute une soiree
une langue si abominablement fausse? Je sais que, pour mon compte, le
style de _Coq-Hardy_ m'a rendu tres malade. Affaire de temperament sans
doute.
Si cela etait ecrit avec bonhomie encore, si l'on sentait derriere un
homme simple, qui ne se pique pas d'ecrire et qui dit tout rondement sa
pensee! L'intolerable est qu'on devine une continuelle pretention
au beau style. Les phrases ont le poing sur la hanche comme les
personnages. Au denoument, Coq-Hardy fait un discours ou il parle des
Francs et des Gaulois. Il faut dire que ce duc de Brennes descend de
Brennus; Brennes, Brennus, vous comprenez, c'est fort ingenieux. Et il y
a ainsi des panaches tout le long de la piece. Parfois meme on entrevoit
des intentions shakespiriennes. Oh! les intentions shakespiriennes!
c'est la recueil des faiseurs de melodrames. La poesie les tue.
J'avouerai, d'ailleurs, que je ne puis me defendre d'un grand dedain
pour les pieces ou les coups d'epee et les coups de pistolet entrent
pour la part la plus applaudie dans les merites du dialogue. Le succes
de _Coq-Hardy_ a ete le combat du cinquieme acte. Si la poudre parle,
c'est que l'auteur n'a rien de mieux a dire. Et quel abus aussi des
beaux sentiments! Quand un acteur a un beau sentiment a emettre, on s'en
apercoit tout de suite; il s'approche du trou du souffleur comme un
tenor qui a une belle note a pousser, il lache son beau sentiment, on
l'applaudit, il salue et se retire. Cela finit par etre honteux, de
speculer ainsi sur l'honneur, la patrie, Dieu et le reste. Le procede
est trop facile, il devrait repugner aux esprits simplement honnetes.
La stricte verite est que, le premier soir, la salle s'ennuyait.
Toutes les fois que des personnages historiques etaient en scene et
se perdaient dans des considerations sur la Fronde, je voyais les
spectateurs ne plus ecouter, lever le nez, s'interesser au lustre ou aux
peintures du plafond. Je vous demande un peu a quoi rime la Fronde
pour nous? Il fallait qu'un choc d'epee ou la declamation d'une tirade
vertueuse ramenat l'attention sur la scene. Alors, on applaudissait,
pour se reveiller sans doute. Je jurerais que les deux tiers des
spectateurs n'ont pas compris la piece. _Coq-Hardy_ n'en a pas moins
marche jusqu'a la fin, et le nom
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