etrouve sa femme et sa fille. Inutile d'ajouter
que le traitre meurt, quand l'auteur n'a plus besoin de lui.
N'est-ce pas que le besoin d'un drame ou l'on parlat de Mazarin se
faisait absolument sentir? Comment la statistique ne s'est-elle pas
occupee encore de relever le nombre de pieces ou l'on prononce le nom de
Mazarin? Un seul personnage historique a ete plus exploite, le cardinal
de Richelieu. Et que c'est gai, cet eternel cours d'histoire sur Anne
d'Autriche, Louis XIII, Louis XIV et les cardinaux! Quel interet
prodigieux et passionnant pour des spectateurs de notre epoque, dans le
perpetuel defile de ces marionnettes d'un autre age, qui laissent, a
chaque coup d'epee, couler le son de leur ventre! Comme nous pouvons
partager les joies et les douleurs de ces poupees, dont nous nous
moquons si parfaitement!
Je ne parle pas de la facon odieuse dont ces drames accommodent
l'histoire. Ils sont pour le peuple une veritable ecole de mensonges
historiques. Dans nos faubourgs, ils ont repandu les idees les plus
stupefiantes sur les grandes figures et les grands evenements qu'ils ont
mis si ridiculement a la scene. Grace a eux, des legendes grotesques se
sont formees, l'histoire apparait aux ignorants comme une parade, avec
des paillasses richement vetus qui tapent des pieds et qui declament. Je
ne comprends pas comment la salle entiere n'eclate pas d'un fou rire,
en face des monstrueux pantins qu'on lui presente sous des noms
retentissants.
Par exemple, dans _Coq-Hardy_, peut-on trouver quelque chose de plus
profondement comique que les scenes entre le capitaine d'aventure et
Anne d'Autriche? Le capitaine entre chez la reine comme chez lui, et
il lui parle avec des effets de hanche, des ronflements de voix, une
familiarite de bon garcon, qui sont a mon sens le comble de la drolerie.
Et quelle merveille encore, cet acte ou l'on voit la reine et Louis XIV
errer la nuit dans les rues de Paris, en se tordant les bras, comme deux
locataires louches que le patron de quelque garni a flanques a la
porte! ajoutez que Coq-Hardy survient, qu'il demolit une maison afin de
construire une barricade, et qu'il se retranche avec Louis XIV derriere
cette barricade, d'ou ils operent tous les deux des sorties pour tuer
deux ou trois douzaines d'hommes. Quel cerveau a jamais invente des
folies plus extravagantes? Cela me donne froid au dos, me glace de ce
petit frisson de peur et de honte que j'ai parfois eprouve en face des
infirmites
|