est extreme,
et le poete peut intervenir sans trop blesser la verite. Quant a la
these, a la souillure ineffacable d'une premiere faute, au suicide
employe comme une redemption, peut-etre cette these a-t-elle ete dans
les intentions de l'auteur, mais je veux l'ignorer, pour ne pas retomber
dans mes severites. A quoi bon une these, lorsque la vie suffit? Comment
M. Catulle Mendes, qui est avant tout un homme d'art, a-t-il pu vouloir
descendre jusqu'a jouer le role d'un avocat?
Je finirai par un etrange reproche. Pour moi, la piece est trop bien
ecrite. Je veux dire qu'on y sent les phrases presque continuellement.
Le style ne consiste pas en belles images, pas plus que la peinture ne
consiste en belles couleurs. En enfilant des comparaisons ingenieuses
jusqu'a demain, on n'obtiendrait qu'une oeuvre monstrueuse et illisible.
Le style est l'expression logique et originale du vrai. Dire ce qu'il
faut dire, et le dire d'une facon personnelle, tout est la. Les
ecrivains qui s'imaginent bien ecrire parce qu'ils enlevent une fin de
tirade a l'aide de mots poetiques, sont dans la plus deplorable erreur.
Au theatre surtout, bien ecrire, c'est ecrire logiquement et fortement.
III
Ah! quelle longue, ecrasante, monotone soiree, a la Porte-Saint-Martin!
Je suis sorti de la premiere representation de _Coq-Hardy_, le drame
en sept actes de M. Poupart-Davyl, brise de fatigue, hebete d'ennui.
Certes, notre metier de critique dramatique comporte beaucoup
d'indulgence; on recule souvent devant le resume exact de son
impression. Mais qu'il me soit permis au moins une fois de ne rien
cacher, de dire ma revolte interieure contre un de ces drames de la
queue romantique, qui se moquent du style, de la verite et du simple bon
sens.
Je ne chercherai pas a analyser la piece dans son intrigue puerile et
compliquee. Il y a la dedans un duc de Brennes, un prince de Bretagne,
que sa femme trahit au prologue, et que nous retrouvons dix ans
plus tard, simple capitaine d'aventure, sous le nom de Coq-Hardy.
Naturellement, ce capitaine se trouve mele a l'inevitable imbroglio
historique, ou sonnent les grands noms de Louis XIV, d'Anne d'Autriche,
de Mazarin, de Conde. Il va presque jusqu'a prendre le menton d'Anne
d'Autriche et a tutoyer Conde. Au denoument, il redevient necessairement
le duc de Brennes, il sauve Louis XIV, la monarchie, la France, avec
l'unique regret de n'avoir pas a sauver Dieu lui-meme. J'oubliais de
dire qu'en chemin, il r
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