ilement, mais je la trouvais hardie
et d'une belle allure. Elle est pleine de mots excellents, et n'a qu'un
defaut, celui de tourner un peu trop sur elle-meme. D'ailleurs, ce que
j'avais prevu est arrive: le public n'a pas compris l'intention de
M. Catulle Mendes, qui est de montrer les consequences fatales et
ignominieuses d'une premiere faute. Je suis persuade que la scene aurait
produit un effet enorme, si l'auteur l'avait presentee autrement, dans
la realite logique de la situation. Telle qu'elle est, elle reste
inadmissible. Vingt fois Valenlin serait sorti ou aurait chasse Pigalou.
Les motifs pour lesquels l'auteur le retient la, sont des ficelles
dramatiques par trop visibles.
A vrai dire, je n'aime guere cette etude de notaire, ou se developpe une
action si bizarre. Je sais bien que M. Catulle Mendes a choisi cette
etude pour que l'antithese fut plus forte. Il a voulu peut-etre aussi
montrer que le cadre le plus banal ne l'effrayait pas. Seulement, dans
ce cas-la, il aurait fallu empoigner la realite d'une main puissante et
ne pas la lacher. Tous les personnages marchent a plusieurs metres du
sol. Genevieve et Valentin sont dans les etoiles; ils ne s'en cachent
pas, meme ils s'en vantent. Quant a maitre Suchot, il n'est guere qu'un
fantoche, sur la tete duquel M. Catulle Mendes a accumule tout son
dedain de la prose.
Le troisieme acte, que l'on redoutait, est precisement celui qui a sauve
la piece. Cela montre une fois de plus quel est le flair des directeurs.
Il n'y a qu'un monologue et une scene dans cet acte. Valenlin, seul dans
son laboratoire, prepare sa mort, en chimiste habile. Il a etabli, sur
un fourneau, un appareil qui degage dans la piece un gaz d'asphyxie.
Genevieve arrive pour se sauver avec son amant; mais il lui explique
que leur bonheur est desormais impossible, et elle va se retirer,
lorsqu'elle comprend qu'il est en train de se donner la mort. Alors,
elle referme la porte et la fenetre, elle l'endort un instant par ses
paroles douces; puis, quand il s'apercoit qu'elle veut mourir avec lui,
elle s'oppose violemment a ce qu'il la sauve. Et ils meurent.
L'effet a ete grand, le soir de la premiere representation. La lutte de
Genevieve pour mourir, le consentement arrache par elle a Valentin, la
mort qui vient comme une delivrance et qui ravit les deux amants dans
les espaces, tout cela est large et remarquable. Certes, je ne crois pas
qu'on se suicide avec de pareils elans; mais la situation
|