e!" Sans doute, si je l'interrogeais, M. Paul Delair me ferait
aussi cette reponse.
Et meme, en acceptant le cadre qu'il a choisi, que de defauts, que
d'erreurs dramatiques! Lorsque ses personnages sortent du poncif, on
ne les comprend plus. Ainsi la serve est tres nette, parce qu'elle est
simplement la marionnette classique des melodrames de Bouchardy et
d'Hugo, la paysanne violee par le seigneur et devenue folle, qui se
promene dans l'action en prophetisant le denoument et en aidant la
Providence. Herbert, le seigneur, est egalement une bonne ganache de
loup feodal qui se laisse injurier par le premier bourgeois venu, entre
chez lui pour lui dire ses quatre verites et lui annoncer la Revolution
francaise. On les comprend, ceux-la, parce qu'ils sont tout betement
les vieux amis du public, sur le ventre desquels le public a tape bien
souvent. Mais passez aux personnages que le poete a reve de faire
originaux, et vous cessez de comprendre, vous entrez dans un fatras
de vers stupefiants ou leur humanite se noie, vous ne les voyez plus
nettement, parce que ce ne sont pas des figures observees, mais des
pantins inventes qui se dementent d'une tirade a l'autre. Ou des figures
poncives, ou des figures fantasmagoriques, voila le choix.
Ainsi, prenons Garin et Aischa, les deux figures centrales, celles ou M.
Paul Delair a certainement porte son effort. Je defie bien qu'au sortir
de la representation, on puisse evoquer distinctement ces figures; et
cela vient de ce qu'elles n'ont pas de base humaine, de ce que le poete
ne nous les a pas expliquees par une analyse logique et claire. Il ne
suffit pas de dire qu'Aischa aime les hommes rouges de sang, pour nous
la faire accepter, dans les invraisemblances ou elle se meut. C'est
elle qui pousse Garin; puis, elle s'efface, elle ne parait plus etre du
drame; a-t-elle des remords, n'en a-t-elle pas? Nous l'ignorons, faute
immense de l'auteur, car, si elle ne frissonne pas comme Garin, ou bien
si elle ne reste pas violente et superbe, le dominant, devenant le male,
elle ne nous interesse plus, elle s'effondre. Et c'est ce qui arrive,
le role est tres mauvais, une actrice de genie n'en tirerait pas un cri
humain. Garin de meme reste un fantoche; sa lutte avec le remords ne se
marque pas assez, on ne voit pas ses elats d'ame, sa passion, sa
fureur, puis son affolement; tout cela se fond et se brouille dans une
phraseologie etonnante, ou une fausse poesie delaye a chaque minute la
situat
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