du meurtre, le soir des noces, lorsque les deux
coupables vont se prendre aux bras l'un de l'autre, le spectre du
vieillard se dresse entre eux, Garin a des hallucinations vengeresses
qui lui montrent chaque nuit Aischa au cou d'Herbert assassine. Aimery,
chasse par son pere, revient alors comme un justicier. Il provoque
Garin, il va le tuer, lorsque celui-ci revoit la terrible vision et
tremble ainsi qu'un enfant. Aischa, qui s'est empoisonnee, avoue le
crime; Garin se tue sur son cadavre; et Aimery peut ainsi epouser une
soeur de l'assassin, Alix, dont je n'ai pas parle. Voila.
Mon Dieu! le sujet m'importe peu. On a fait remarquer avec raison que
c'etait la un melange de _Macbeth_, des _Burgraves_ et d'une autre piece
encore. La seule reponse est qu'on prend son bien ou on le trouve;
Corneille et Moliere ont ecrit leurs plus belles oeuvres avec des
morceaux pilles un peu partout. Mais il faut alors apporter une
individualite puissante, refondre le metal qu'on emprunte et dresser sa
statue dans une attitude originale. Or, M. Paul Delair s'est contente de
ressasser toutes les situations connues, sans en tirer un seul effet
qui lui soit personnel. Cela est long, terriblement long, sans accent
nouveau, d'une extravagance entetee dans le sublime, d'une conviction
qui m'a attriste, tellement elle est naive parfois.
Faut-il discuter? Rien ne tient debout dans cette fable extraordinaire.
C'est un cauchemar en pleine obscurite. Les personnages sont decoupes
dans ce romantisme de 1830, si demode a cette heure. Ils n'ont d'autre
raison d'etre que des formules toutes faites, ils portent des etiquettes
dans le dos: le seigneur, le batard, la serve, le manant; et cela doit
nous suffire, l'auteur se dispense des lors de leur donner un etat
civil, de leur souffler une personnalite distincte. Ce sont des
marionnettes convenues qu'il manoeuvre imperturbablement, en dehors
de toute verite historique et de toute analyse humaine. Voila le cote
commode du drame romantique, tel que le comprend encore la queue de
Victor Hugo. Il ne demande ni observation ni originalite; on en trouve
les morceaux dans un tiroir, et il ne s'agit que de les ajuster, avec
plus ou moins d'adresse. Je me rappellerai toujours la belle reponse de
ce poete auquel je demandais: "Mais pourquoi ne faites-vous pas un
drame moderne?" et qui me repondit, effare: "Mais je ne peux pas, je ne
saurais pas, il me faudrait dix ans d'etudes pour connaitre les hommes
et le mond
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