ion dramatique. Au denoument surtout, les deux heros m'ont paru
pitoyables. Cette femme qui s'empoisonne de son cote, cet homme qui se
poignarde du sien, pour finir la piece, ne meurent pas logiquement, par
la force meme de la situation; je veux dire que leur mort n'est pas une
consequence inevitable de l'action, une mort analysee et deduite, ce qui
la rend vulgaire.
Un autre point m'a beaucoup frappe. Apres le troisieme acte, je me
demandais avec curiosite comment M. Paul Delair allait encore trouver la
matiere de deux actes. Un acte d'exposition, un acte pour le meurtre, un
acte pour les remords, enfin un acte pour la punition: cela me semblait
la seule coupe possible. Mais cela ne faisait que quatre actes, et
j'etais d'autant plus surpris que le gros du drame, le spectre et tout
le tremblement se trouvaient au troisieme acte, ce qui demandait,
pour la bonne distribution d'une piece, un denoument rapide, dans un
quatrieme acte tres court. M. Paul Delair voulait cinq actes, et il a
tout bonnement rempli son quatrieme acte par un interminable couplet
patriotique. J'avoue que je ne m'attendais pas a cela. Tout devait y
etre, jusqu'au drapeau francais.
Parler de la France, sous Philippe-Auguste! prononcer le grand mot de
patrie qui n'avait alors aucun sens! nous montrer un bon jeune homme
qui s'indigne au nom de l'Allemagne, comme apres Sedan! Quand donc
les auteurs dramatiques comprendront-ils le profond ridicule de ce
patriotisme a faux, de cette sottise historique dans laquelle ils
s'entetent? Et cela n'est guere honnete, je l'ai deja dit, car je ne
puis voir la qu'une facon commode de voler les applaudissements du
public.
Mais ces choses ne sont rien encore, le pis est que M. Paul Delair fait
des vers deplorables. Il est certainement un poete plus mediocre que M.
Lomon et M. Deroulede, ce qui m'a stupefie. On, ne saurait s'imaginer
les incorrections grammaticales, les tournures baroques, les cacophonies
abominables qui emplissent le drame. Les termes impropres y tombent
comme une grele, au milieu de rencontres de mots, d'expressions qui
tournent au burlesque. A notre epoque ou la science du vers est poussee
si loin, ou le premier parnassien venu fabrique des vers superbes de
facture et retentissants de belles rimes, on reste consterne d'entendre
rouler pendant quatre heures un pareil flot de vers rocailleux et mal
rimes. Si M. Paul Delair croit etre un poete parce qu'il a abuse la
dedans des lions et des etoiles
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