Ne vaut-il pas mieux l'avertir,
quitte a le blesser cruellement? C'est lui eviter de nouveaux efforts
inutiles. Huit ans de travail croulent avec _Garin_. Le pire malheur qui
lui puisse arriver est de perdre encore huit annees dans une tentative
sans espoir.
II
M. Catulle Mendes est une figure litteraire fort interessante. Pendant
les dernieres annees de l'Empire, il a ete le centre du seul groupe
poetique qui ait pousse apres la grande floraison de 1830. Je ne lui
donne pas le nom de maitre ni celui de chef d'ecole. Il s'honore
lui-meme d'etre le simple lieutenant des poetes ses aines, il s'incline
en disciple fervent devant MM. Victor Hugo, Leconte de Lisle, Theodore
de Banville, et s'est efforce avant tout de maintenir la discipline
parmi les jeunes poetes, qu'il a su, depuis pres de quinze ans, reunir
autour de sa personne.
Rien de plus digne, d'ailleurs. Le groupe auquel on a donne un moment le
nom de parnassien representait en somme toute la poesie jeune, sous le
second empire. Tandis que les chroniqueurs pullulaient, que tous les
nouveaux debarques couraient a la publicite bruyante, il y avait, dans
un coin de Paris, un salon litteraire, celui de M. Catulle Mendes, ou
l'on vivait de l'amour des lettres. Je ne veux pas examiner si cet
amour revetait d'etranges formes d'idolatrie. La petite chapelle etait
peut-etre une cellule etroite ou le genie francais agonisait. Mais cet
amour restait quand meme de l'amour, et rien n'est beau comme d'aimer
les lettres, de se refugier meme sous terre pour les adorer, lorsque la
grande foule les ignore et les dedaigne.
Depuis quinze ans, il n'est donc pas un poete qui soit arrive a Paris
sans entrer dans le cercle de M. Catulle Mendes. Je ne dis point que le
groupe professat des idees communes. On s'entendait sur la superiorite
de la forme poetique, on en arrivait a preferer M. Leconte de Lisle a
Victor Hugo, parce que le vers du premier etait plus impeccable que le
vers du second. Mais chacun gardait a part soi son temperament, et il
y avait bien des schismes dans cette eglise. Je n'ai d'ailleurs pas a
raconter ce mouvement poetique, qui a copie en petit et dans l'obscurite
le large mouvement de 1830. Je veux simplement etablir dans quel milieu
M. Catulle Mendes a vecu.
Ses theories sont que l'ideal est le reel, que la legende l'emporte sur
l'histoire, que le passe est le vrai domaine du poete et du romancier.
Ce sont la des opinions aussi respectables que les opi
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