out insister est que, desormais, les gens du monde
devront avoir pour les simples ecrivains quelque respect; car, si j'ai
vu parfois des ecrivains ressembler a des princes dans un salon, je n'ai
jamais vu un homme du monde qui ne se rendit parfaitement ridicule, en
ecrivant un roman ou une piece de theatre.
Certes, je le repete, je ne veux en aucune facon decourager M. Talray.
La distraction qu'il a choisie est louable. Ses vers sont mediocres,
mais pleins de bonne volonte. Puis, j'aurais peur d'enlever leur
derniere planche de salut aux theatres menaces de faillite. Les auteurs
sont rares qui consentent a payer cherement leurs chutes. En somme, des
pieces comme _Spartacus_ ne font de mal a personne. On sait de quelle
facon on doit les prendre. M. Talray lui-meme, si son echec le
contrarie, peut dire a ses amis qu'il a simplement voulu tenir une
gageure. Mon Dieu! oui, il aurait parie, apres un dejeuner de garcons,
d'ennuyer le public et d'ahurir la critique; et son pari serait gagne,
oh! bien gagne!
LE DRAME
I
On nous a donne des details touchants sur M. Paul Delair. Il aurait
trente-sept ans, il serait sans fortune et aurait du prendre sur ses
nuits pour ecrire _Garin_, le drame en vers joue a la Comedie-Francaise;
cette oeuvre, ecrite il y a huit ou neuf ans deja, recue a correction,
puis recrite en partie et montee enfin, representerait de longs efforts,
une grande somme de courage, et serait une de ces parties decisives ou
un ecrivain joue sa vie. Eh bien! tous ces details me troublent, et je
n'ai jamais senti davantage combien la verite est parfois douloureuse a
dire. Heureusement, je suis peut-etre le seul a pouvoir la dire, sans
trop de remords, car mon autorite est fort discutee, et jusqu'a present
on a paru croire que ma franchise ne faisait de tort qu'a moi-meme.
Nous sommes au commencement du treizieme siecle, dans une de ces
lointaines epoques historiques qui justifient au theatre toutes les
erreurs et toutes les fantaisies. Herbert, baron de Sept-Saulx, un
burgrave selon le poncif romantique, a aupres de lui son neveu Garin,
homme farouche, et un fils batard, Aimery, homme tendre, qu'il a eu
d'une serve. Or, un jour d'ennui, Herbert, ayant fait entrer dans son
chateau une bande d'Egyptiens, s'eprend de la belle Aischa, qu'il epouse
seance tenante. Et voila le crime dans la maison, Aischa pousse Garin,
qui l'adore, a tuer Herbert, dont la vieillesse l'importune sans doute.
Mais, au lendemain
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