enilles et des armures du moyen age.
Vraiment, les femmes sont adorables, les cheveux cercles d'or, les
bras nus, dans ces etoffes souples, ou leur corps libre roule si
voluptueusement. Puis, j'attrapais par-ci par-la un bout de vers
assez mal rime, mais d'une musique sonore et eclatante. Enfin, je ne
m'ennuyais pas, j'attendais de comprendre sans trop d'impatience.
Au milieu du premier acte, cependant, comme j'etais de plus en plus
attentif, j'ai commence a eprouver une legere douleur aux tempes. Une
consternation peu a peu m'envahissait, car je ne comprenais toujours
pas, malgre mes efforts. J'avais beau ouvrir les oreilles, tendre
l'esprit, repeter tout bas les mots que je saisissais, le sens
m'echappait, les paroles tombaient comme des bruits qui s'envolaient,
avant d'avoir forme des phrases. Maintenant, la pesanteur des tempes me
gagnait le crane et me roidissait le cou.
Alors, l'ennui est arrive, d'abord discret, un leger baillement
dissimule entre les doigts, une envie sourde de penser a autre chose;
puis, il s'est elargi, il est devenu immense, insondable, sans borne.
Oh! l'ennui sans espoir, l'ennui ecrasant qui descend dans chaque
membre, dont on sent le poids dans les mains et dans les pieds! Et
impossible d'echapper a ce lent ecrasement, les personnages s'imposent;
on les hait, on voudrait les supprimer, mais leur voix est comme un flot
entete qui bat, qui entame et qui noie les tetes les plus dures; meme
quand on baisse les yeux pour ne plus les voir, on les sent, ou croit
les avoir sur les epaules. Un malheur public, un deuil, sont moins
lourds.
Ce qui me consternait surtout, c'etait Sephare, le pretre d'Isis.
Pourquoi un pretre d'Isis? Sans doute l'auteur avait mis la-dessous
le sens philosophique de son oeuvre. La piece restait tellement
incomprehensible, qu'elle devait cacher quelque verite superieure. Les
scenes se deroulaient: je songeais aux hypogees, aux pyramides, aux
secrets que le Nil roule dans ses eaux boueuses. Je me sentais tres
bete, je tournais a l'ahurissement. Lorsqu'on s'est mis a chanter, j'ai
eu l'envie ardente de me sauver, parce que tout espoir de comprendre
s'en allait decidement. Mais j'etais trop engourdi; j'appartenais a
l'ennui vainqueur.
J'ai promis de tirer des enseignements de cette histoire. Le premier est
que la tentative de M. Talray reste en elle-meme excellente, et qu'on ne
saurait trop engager les auteurs riches a l'imiter. Mais le point sur
lequel je veux surt
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