-meme a cette heure de
mes theories a moi? C'est un sentiment commun a toutes les generations:
les aines ont eu raison, les contemporains ne savent ce qu'ils disent.
Comme l'a tranquillement declare M. de Lapommeraye, le theatre est
parfait aujourd'hui, il doit rester immobile, la plus petite reforme en
gaterait l'excellence.
Vraiment? M. de Lapommeraye feint d'ignorer que tout marche, que rien ne
reste stationnaire. Il est commode de dire: "Les ameliorations reclamees
par Diderot ont eu lieu," ce qui, d'ailleurs, est radicalement faux, car
Diderot voulait la verite humaine au theatre, et je ne sache pas que la
verite humaine trone sur nos planches. En tous cas si les ameliorations
avaient eu lieu, elles ne nous suffiraient plus, voila tout. Il y a
une somme de verites pour chaque epoque. Toujours des evolutions
s'accompliront. Il faut qu'une langue meure pour qu'on dise a une
litterature: "Tu n'iras pas plus loin."
LES EXEMPLES
LA TRAGEDIE
I
Pendant la premiere representation, au Theatre-Francais, de _Rome
vaincue_, la nouvelle tragedie de M. Alexandre Parodi, rien ne m'a
interesse comme l'attitude des derniers romantiques qui se trouvaient
dans la salle. Ils etaient furibonds; mais, en petit nombre, noyes dans
la foule, ils restaient impuissants et perdus. Voila donc ou nous en
sommes, la grande querelle de 1830 est bien finie, une tragedie peut
encore se produire sans rencontrer dans le public un parti pris contre
elle; et demain un drame romantique serait joue, qu'il beneficierait de
la meme tolerance. La liberte litteraire est conquise.
A vrai dire, je veux voir dans le bel eclectisme du public un jugement
tres sain porte sur les deux formes dramatiques. La formule classique
est d'une faussete ridicule, cela n'a plus besoin d'etre demontre. Mais
la formule romantique est tout aussi fausse; elle a simplement substitue
une rhetorique a une rhetorique, elle a cree un jargon et des procedes
plus intolerables encore. Ajoutez que les deux formules sont a peu pres
aussi vieilles et demodees l'une que l'autre. Alors, il est de toute
justice de tenir la balance egale entre elles. Soyez classiques, soyez
romantiques, vous n'en faites pas moins de l'art mort, et l'on ne vous
demande que d'avoir du talent pour vous applaudir, quelle que soit votre
etiquette. Les seules pieces qui reveilleraient, dans une salle, la
passion des querelles litteraires, ce seraient les pieces concues
d'apres une nouvelle et
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